Mise à jour le 16 avril 2004

Pour plus d'informations :

www.bektashi.net
(branche Babagan, en anglais)

 

4 Seuils 40 Makam
Hajji Bektash - Mawlana Jalaleddin-i Rumî
Enseignements de Hajji Bektash-i Wali
Généalogie et lignée spirituelle
Ordre des Bektashis (branche Babagan)
Naissance du Bektashisme

 

La confrérie des Bektashi a un rite très proche des rites alevi. Le bektachisme procède de la mystique des soufis de l’islam chi’ite. Elle était très attachée aux douze Imams et son propre rite était attribué au sixième Imam Djafer Sâdik. Il s’est pourtant développé dans les Balkans, où l’islam est entièrement sunnite. Le chi’isme se confond trop souvent aujourd’hui avec le fanatisme. Mais le bektachisme n’a rien à voir avec cela. Le bektachisme peut être représenté comme une variante libérale et progressiste de l’Islam. Le but est de parvenir à la connaissance de Dieu. Dieu est proche. Il se laisse deviner dans la beauté, l’amitié, la droiture. Dieu est partout, comme l’expliquent tous les mystiques. Le but du bektachisme est de parvenir à une connaissance de tous les secrets, mais il faut avoir des yeux pour voir, les yeux de l’âme qui se forgent par les sacrifices de l’homme. Le bektachisme suppose une lutte individuelle de l’homme contre ses mauvais penchants. Le bektachisme reprend à son compte la plupart des croyances chi’ites, et certaines de ses grandes célébrations, mais dispose de son propre rituel, en partie placé sous le sceau du secret. Les Bektashis prônent une lecture « verticale » du Kur'an et s’abstiennent ainsi de beaucoup d'obligations entraînées par une lecture littérale du Texte saint. « Nous pouvons boire de l’alcool, mais bien sûr avec mesure. Dans le Kur'an, si le vin est interdit, il est par contre dit que les élus en boiront au Paradis. Or, pour nous, le seul monde réel est celui dans lequel nous vivons » (Tahir Baba). Le vin est sacré : il est interdit à ceux qui ne maitrisent pas leur nefs.

 

4 Seuils 40 Makam

La cause de la création d’un tel courant par son initiateur Hadji Bektash Veli (seyyid, descendant du Prophète par la Sainte Famille) était de clore l’époque des ordres religieux (Tarikât) afin d’entrer dans l’époque de la Connaissance (Marifet).

Hadji Bektash divise les Musulmans en quatre catégories:

  1. Les Abid ou Dévots, maîtres en Loi religieuse
  2. Les Zahid ou Ascètes, maîtres de l'Ordre
  3. Les Arif ou Gnostiques, maîtres de la Connaissance de Dieu
  4. Les Muhib ou Amants, Maîtres de la Vérité.

Hadji Bektash définit ces quatre catégories de la façon suivante:

Il existe 4 seuils (kapi) 40 stations (makam). Chaque porte contient 10 makam. Dans la conception théosophique (tasavvuf) les 4 portes sont : Shar’iat, loi instaurée dans un environnement cru, de détresse, d’affliction ;  Tarikat, la personne est sur le chemin du Vrai (Hak), a entendu l’amour. Elle a discerné l'essence mure ; Marifet (Connaissance) c’est l’étape où on se libère du nefs ; Hakikat (Vérité), apprendre les secret du Vrai (Hak), c’est être le Vrai avec le Vrai.

Personne ne peut atteindre Dieu sans gravir consciencieusement chacun de ces degrés. Et si un croyant prie sans foi véritable, s'il n'est pas honnête dans sa charité, ou s'il change d'opinion en rentrant de son pèlerinage, ou s'il ne croit pas en Muhammed ou en l'un de ses maîtres, tout est vain.

Shariat :

1. Croire en l'Unicité de Dieu et accomplir la prière (ibadet)

(Bakara Suresi/255 ; Mümin Suresi/60)

2. Protéger la Connaissance (Ilim) et la Gnose (Irfan)

(Nisâ Suresi/162 ; En'am Suresi/140)

3. Etre maitre d'un travail, d'un métier

(Bakara Suresi/16 ; Nûr Suresi/137)

4. Disposer d'un gain licite (halâl)

(Bakara Suresi/286 ; Rahman Suresi/9)

5. Contracter un mariage et donner naissance

(Nahl Suresi/72 ; Rum Suresi/21)

6. Disposer la table, par un gain licite (halâl)

(Nahl Suresi 71 ; İnsan Suresi/8-9)

7. Suivre la communauté

(Hücâdile Suresi /11 ; Enfâl Suresi/24)

8. S'habiller et manger propre

(Bakara Suresi/168-172)

9. Compassion et indulgence

(Bakara Suresi/129 ; Nûr/22)

10. Se protéger de la ruse et se diriger vers le vrai

(İsra Suresi/84 ; Nahl Suresi/123)

Tarikat :

1. Prêter serment (ikrar) au Pir de vivre sur la voie de l'erkan (pilier) et à ce jour, se repentir de ses fautes

(Araf Suresi/181)

2. Rester sur le serment en devenant disciple-étudiant (talib)

(Fetih Suresi/10)

3. S'habiller propre en restant pudique, poli (adâb)

(Araf Suresi/26)

4. Faire son travail soigneusement

(Bakara Suresi/82)

5. Servir les Gens de la Voie

(Enfâl Suresi/72)

6. Etre en station de crainte et d'espérance, Khawf-u Rija ( Se repentir et se faire pardonner)

(Nasr Suresi/3)

7. En voyant les difficultés, ne pas délaisser l'espoir d' Allah (ne pas sombrer dans la tourmente)

(A'raf Suresi/56)

8. Etre des Gens de la Taqwâ (piété), se diriger vers la voie du salut

(Âli İmran Suresi/114)

9. Prendre conseil, dans le lien des Gens de la Gnose (Irfan)

(Kaf Suresi/37)

10. Etre connaisseur du Vrai, prendre soin de son conjoint et de son travail et maitriser, ses mains, sa langues, ses lombes

(Ahzab Suresi/35)

Marifet :

1. Ne rien entreprendre de contraire à l'adâb (politesse, modestie, pudeur)

(Kalem Suresi/4)

2. Craindre Dieu, lorsque l'ego est incité à de mauvaises actions

(Nisa Suresi/78)

3. Entre en état d'abstinence, de jeûne à toutes mauvaises actions.

(Â'la Suresi/14)

4. Patience et retenue : consentir à ce que l’on a.

(Enfal Suresi/46)

5. Avoir honte des mauvaises actions

(Nisa Suresi/85)

6. Générosité, partager les bienfaits (ni'mat) produites par les mains.

(İsra Suresi/26)

7. Etre de Connaissance (ilim) et de Guidance (irchad)

(Ali İmran/187)

8. Etre possesseur d'un coeur "auguste"

(Furkan Suresi/63)

9. Pour chaque sujet, être des Gens de la Marifat (connaissance divine)

(Ankebût Suresi/58)

10. Connaitre sa propre essence et la transmettre

(Şuara/193-194-214)

Hakikat :

1. Etre de la terre (Turab), voir les manques dans son essence

(İsra Suresi/37)

2. Ne pas réprouver les 72 groupes

(Maide Suresi/48)

3. Ne jamais se refuser de faire le bien

(Nisa Suresi/95)

4. Gagner la confiance des créatures de tous les mondes

(Âli İmran Suresi/75)

5. Au souverain du Royaume (monde matériel), faire de bonnes oeuvres et gagner Son consentement (riza)

(Teğabün Suresi/17)

6. S'entretenir sur les secrets de Hakk et ainsi ennoblir les coeur

(Mücadile Suresi/7)

7. Pélerinage, gagner le coeur de l'Ami

(Hâc Suresi/46)

8. Cacher les secrets de l'Ami

(Ali İmran/118)

9. Par la communion spirituelle (münajat), se faire pardonner par Dieu, le glorigfier pour tous les bienfaits qu'Il offre.

(Bakara/58)

10. Observation (Müchahada), dans la théosophie du Wahdat-i Wudjut, méditer sur Dieu, Le voir proche.

(Tekasür /7; Kaf /16)

 

Ne pas se refuser des bonnes choses. Aimer les créatures d’Allah, voir tous les hommes comme un. Diriger l’unité et se diriger vers l’unité Atteindre l’existence d’Allah. Etre le Vrai avec le Vrai (Hak).

Comme l’a dit l’ami du Vrai Shâh Hatayi (ou Shâh Ismail, il a créé le premier état de confession chi'ite, XVème siècle. Il est issu de la confrérie safawiya dont l'initiateur est Sheikh Safi) :

Mon Seigneur aux yeux doux
Quiconque l’entend, qu’il vienne dans le meydan (monde)
Les quatre portes, les quarante makam
Quiconque les atteint, qu’il vienne dans le meydan

Hajji Bektash - Mawlana Jalal ad Din Rumî (ordre mevlevi)

Hadji Bektash fut le contemporain de Mevlâna Jalal ad Din Rumî appelé aussi "Molla Hünkar" (1207-1273) que l'on trouve associé à la secte Melami du Khorassan (Iran). On note plus d'un point commun entre les doctrines de ces deux maîtres à penser. Tous deux avaient le sens de la tolérance et de l'humain. Mais Mevlâna s'exprimait en persan et s'adressait surtout aux intellectuels alors que Hadji Bektash prêchait surtout au peuple, aux paysans et aux Anciens. La pensée de Mevlâna se répandit sur toute la Cappadoce et atteignit la ville de Kirsehir où deux de ses disciples, Cheikh Süleyman-i Türkmenî et Muhammed-i Aksarayî, fondèrent des couvents de derviches. L'Emir Nureddin, gouverneur de Kirsehir qui fit construire une mosquée et une école en 672 (1273), était également de ses disciples. Eflaki (mort en 1360) raconte que Hadji Bektash avait envoyé l'un de ses Califes, Cheikh Isak avec quelques-uns de ses derviches, rendre visite à Mevlâna à Konya.

L'anecdote qui suit illustre bien les différences de caractère des deux théosophes, dont l'un était un homme équilibré, adversaire de toute parade, éducateur simple et plein de dignité, tandis que l'autre était avant tout un poète toujours transporté d'amour et en état d'extase et de frénésie. Hadji Bektash, assis parmi les siens, dit à Mevlâna: "Pourquoi te conduis-tu de cette manière? Que cherches-tu? Pourquoi toute cette agitation ? Si tu as trouvé ce que tu cherchais, tu as atteint ton but. Dans ce cas pourquoi ne te reposes-tu pas dans le silence? Si tu ne l'as pas trouvé, ne considères-tu pas qu'il est sot de troubler l'ordre public en faisant tout ce tapage et en montrant à tout le monde l'état dans lequel tu te trouves?" Hadji Bektash, conséquent avec lui-même exprimait sa désapprobation mais Mevlâna comptant sur la largeur de vues et l'esprit de compréhension de son interlocuteur lui fit réponse sous forme d'un poème: "Si tu n'as pas d'amour, pourquoi n'en cherches-tu pas? Si tu as conquis ton amour, pourquoi n'en jouirais-tu pas?" Et paresseusement assis il ajouta doucement: "comme tes paroles sont étonnantes! En réalité, je ne connais que toi pour refuser de te laisser entraîner dans cette situation étrange et pourtant délicieuse."

Les relations entre le "Bektasi" et le "Mevlevi" continuèrent après la mort des deux Maîtres. Au XVe siècle Divane Mehmet Çelebi se rendit à Konya accompagné de disciples d'Hadji Bektash. Le Velayetnâme, écrit au XVe siècle, nous présente de nombreuses marques d'estime pour Mevlâna.

Les poèmes de Yunus Emre (mort en 1320), l'un des plus grands poètes de la littérature turque, expriment les mêmes pensées que Hadji Bektash. Il parle également des "quarante degrés" et des "quatre seuils", de la prière continuelle et de la contemplation de Dieu, il recommande le respect des 72 nations, le combat perpétuel entre les aspirations sataniques intérieures et les forces divines; il parle "des chefs et des soldats des deux fronts intérieurs, des bonnes et des mauvaises habitudes".

 

Enseignements de Hadji Bektach (XIIIème siècle):

Le diabolique et l'angélique sont sans cesse en lutte dans notre coeur. Le "souverain" de l'un des partis est la sagesse, son arme principale est la foi et ses officiers sont la connaissance, la charité, la pudeur, la patience, l'absence de péché, la crainte de Dieu, le sens moral, etc. Chacune de ces vertus a des centaines de milliers de soldats sous ses ordres. Il est impossible de gagner les petites batailles sans avoir une connaissance approfondie de soi-même, de ses bons et de ses mauvais côtés. C'est pourquoi Hadji Bektash recommande de se considérer avec ses propres yeux. Il insiste sur le fait que celui qui ne se connaît pas ne peut pas connaître Dieu parce que Dieu est plus proche de l'homme que son propre corps lui-même. Ce sujet lui tient à coeur et un chapitre de son livre est consacré à l'analyse du corps de l'homme et fait état des ressemblances entre notre corps et l'univers et il conclut que l'homme est "un petit univers".

L'exhibitionnisme, l'hypocrisie et les contradictions dans le mode de vie sont les défauts qui troublaient le plus Hadji Bektash. "Pauvres malheureux!" s'écriait-il, "pour vous la Foi n'a plus de sens. Vous dites: "Je crois en Dieu" mais vous ne suivez pas ses commandements. Vous dites: "Je crois aux anges" niais vous commettez des péchés dès que vous êtes seuls, hors de la vue de vos semblables sans réaliser qu'il y a 360 anges dans votre propre corps! Vous dites: "Je crois au Livre, au Kur'an" mais dans votre coeur et dans vos actes il y a toute espèce de péchés. Quel est le livre qui vous dicte cette ligne de conduite ? Même ceux que Dieu a choisis, sont un jour affamés, un jour rassasiés ils sont nuit et jour en prière, et ils ne sont pas sûrs d'éviter tous les pièges du monde. Ils craignent sans cesse le Jugement dernier. Croyez-vous pouvoir éviter la confrontation avec vos mauvaises actions?"

Il écrit encore. " Votre propreté extérieure ne vous aidera en rien si le mal est dans votre coeur. De même, si une cruche est sale au-dedans et que vous la fermiez soigneusement avec son couvercle, vous pouvez la laver à l'extérieur mille fois par jour pendant dix ans, elle sera toujours sale à l'intérieur. Il est navrant de voir coexister en vous, l'arrogance, la jalousie, l'avarice, la colère, tandis que vous riez et vous conduisez comme des clowns. Comment l'eau peut-elle vous nettoyer si la saleté est au-dedans de vous? Si un seul de ces défauts est présent, toute prière est vaine. Et si les huit péchés coexistent en une seule personne, alors quel sera son châtiment?"

Hadji Bektash accorde une grande importance aux prières faites avec un véritable amour de Dieu et le besoin de sa Présence. C'est pourquoi il considère les Muhibs ou Amants comme les meilleurs des Musulmans. Dans la cité de Nishapur du Khorassan où il était né et avait été élevé, le Melâmilik était réputé car il recommandait l'amour de Dieu et l'harmonie de la vie nécessaire pour atteindre Dieu et il enjoignait d'éviter le mensonge, l'exhibitionnisme et l'hypocrisie. Le paragraphe poétique suivant, nous révèle les pensées de Hadji Bektash sur l'amour de Dieu. "Chaque fois qu'un homme appelle Dieu - "Ya Rabbi" -, Dieu répond - "lebbeyk" - en d'autres termes, il l'accueille. De cette invocation et de la réponse de Dieu jaillit la lumière. Aux rayons de cette lumière des centaines de milliers de fleurs poussent au septième niveau céleste; le sixième est illuminé par la clarté de ces fleurs, le cinquième est rempli du parfum de l'ambre, le quatrième par celui d'Abir; le troisième par celui de Rayan; le second par celui de Misk,- le premier par celui des roses. Au septième niveau céleste les anges cueillent les fleurs pour en orner le huitième. Lorsqu'une créature aimée de Dieu doit quitter cette vie, les anges lui font respirer le parfum de ces fleurs et ils prennent sa vie tandis qu'elle jouit de ce parfum. Elle ne connaît pas les craintes et les souffrances du trépas. On dit que les dames d'Egypte, quand elles se trouvent en face de la beauté du Prophète Yusuf, se coupent les mains par inadvertance en cueillant les pommes".

Hadji Bektash ressentait un amour infini pour l'humanité et pratiquait une grande tolérance. Pour lui tout adulte devait "se conduire avec modestie au cours de sa vie sur la terre, respecter les 72 nations, et ne pas se montrer critique envers les autres. Il devait traiter avec bonté toutes les créatures, les hommes et les animaux et ne pas leur faire de mal".

 

Un homme travailleur ne peut pas avoir des mauvaises pensées

Le prière dans l'intention du paradis est invalide

Nos piliers (erkân) ; A Muhammed l'Ahlak, à Ali l'Adab

Un homme qui perd du temps, son coeur étant rempli d'Amour, est plus honorable qu'un homme qui lit le Coran jour et nuit alors que son coeur est rempli des désirs du monde ici-bas

Si tu te lèves, lève toi pour servir

Le plus grand Livre à lire est l'Homme
Ne prie pas avec les genoux mais avec le coeur
Le compagnon, personne ne le doit perdre :
Le chemin qui ne mène pas à la Connaissance a pour fin les Ténèbres
Ce qui doit arriver, arrivera.
S’arrêter, patienter embellit le visage
Que ton prochain aille bien, mais toi sois-le d'abord
La pensée, aux tenants de la lumière dans les ténèbres, heureux soit-elle
Les sages solitaires, innocents soient-ils, se purifient

Ce que tu cherches, cherche le en toi même

La Chaleur (essence) vient du Feu, pas de la tôle
L’intelligence est dans l'intellect pas sur le trône
Quoique tu cherches, cherche le en toi-même
Il n’est ni la Mecque ni à Jérusalem ni au hajj

 

 

Cherche, trouve

Chercher est une épreuve claire
Eduquez, faites lire les femmes
L’homme au beau visage (djemal) a de belles paroles
Ne blâmez aucun homme aucun peuple
Le premier makam de la Connaissance, c’est l’honnêteté, la pudeur.
Même affligé, n'afflige pas
Votre ennemi - ne l’oubliez pas - est aussi un homme
Sois maître de tes mains, de ta langue et de tes désirs.
Maîtrise ton esprit, ton corps, tes sentiments, ta volonté.
Les Saints sont les cadeaux de Dieu.

La lacune est dans tes opinions.

Le guide ne prend pas, mais il donne
Le monde est à l’intérieur d’Adam et Adam à l’intérieur du monde.

 

 

 

A la question : « Pourquoi toutes les "voies" diffèrent-elle ? », Bektash répondit :
« Pour atteindre une cible avec une flèche, il faut une flèche et une cible et un archer. Ce sont les éléments de l'action totale. C'est ce qu'on appelle une "école".
« Mais si le but est de toucher un objet avec un autre, il y a mille façons de faire. Seuls les superficiels croient que le tir à l'arc est la seule manière d'atteindre une chose avec une autre. La Voie intérieure, c'est organiser la visée en fonction de l'objectif.
« Tout ce que vous avez à faire, reprit-il, c'est de bien voir cela.
- Mais, insista le questionneur, comment allons-nous reconnaître la voie qui est la notre ?
- Ceux qui prétendent que vous saurez reconnaître la méthode qui vous convient le mieux sont les mêmes qui prétendent que ce que vous aimez, c'est ce dont vous avez besoin. Il est rare que l'homme sache reconnaître la voie de lui-même. Il est nécessaire que quelqu'un organise les circonstances, ce qui revient, pour reprendre l'analogie de la flèche et de la cible, à trouver deux surfaces et à les aligner pour qu'elles "entrent en collision". »

 

Sa généalogie et sa lignée spirituelle (silsilah)

La généalogie de Hunkar Haji Bektash Veli
Imam Ali ibn Abi Talib
Imam Husayn
Imam Zayn al-Abidîn
Imam Muhammad Baqir
Imam Ja'far as-Sadiq
Imam Mûsa Kâzim
Sayyid Ibrahim al-Mukarram al-Mujab
Sayyid Hasan al-Mujab
Sayyid Muhammad
Sayyid Mahdî
Sayyid Ibrahim
Sayyid Hasan
Sayyid Ibrahim
Sayyid Muhammad
Sayyid Ishaq
Sayyid Mûsa
Sayyid Ibrahim al-Thani
Sayyid Hunkar Haji Bektash Veli


Lignée spirituelle Silsilah (I)
Imam Ali ibn Abi Talib
Imam Husayn
Imam Zayn al-Abidîn
Imam Muhammad Baqir
Imam Ja'far as-Sadiq
Imam Mûsa Kâzim
Imam Ali ar-Riza
Junayd al-Baghdâdî
Abu `Uthman Maghribi
Abu'l-Kasim Gurgâni
Abu'l-Hasan Kharkani
Shayh Abu Ali Farmadi
Khwaja Yusuf al-Hamadani
Khawja Ahmad Yesevi
Shaykh Luqman Perende
Pir Hünkâr Haji Bektash Veli


Lignée spirituelle Silsilah (II)
Imam Ali ibn Abi Talib
Hasan Basri
Habib al- Ajami
Dâwûd at-Tâ?i
Ma?ruf al-Kharkhi
Shaykh Sariy as-Saqati
Jünayd al-Baghdâdî
Abu Ali Rudbari
Shaykh Abu Ali Khâtib al-Misrî
Abu `Uthman Maghribi
Abu'l-Kasim Gurgâni
Abu'l-Hasan Kharkani
Shayh Abu Ali Farmadi
Khwaja Yusuf al-Hamadani
Khawja Ahmad Yesevi
Shaykh Luqman Perende
Pir Hünkâr Haji Bektash Veli

 

Un groupe de derviches babas et derviches bektashi

 

L'Ordre des Bektashis (branche Babagan)

L'ordre des Bektashis est une tarikat (voie) du Bâtin (sens caché du Kur'an), il a pour Mürshid (maitre) Hz. Muhammed (s.a.w), pour Rehber (guide) Hz. Ali (a.s) et pour pir (titre attribué dans les confréries soufies) Hajji Bektash Wali (1210-1271), fondateur de l'ordre.

Dans l'ordre, il y a 5 degrés : muhîb (affectionné), derviche, baba (père), müdjerret (nu) et calife (halife). Le nommé muhîb (affectionné) est initié par 2 membres bektashi, qui lui sont garant. Le muhîb peut participer seulement au rite muhîb ayin-i djem (Aynu-l-Jam) et à l' ölü (mort) ayin-i djem (office de l'union).

Le muhîb qui veut être derviche déclare son aspiration (ikrâr) et entre dans un tekke (équivalent du monastère chez les chrétiens, on en trouve notamment dans les Balkans, en Anatolie, à Kerbela dans l'actuel Iran, Egypte...). Dans ce tekke, parmi les derviches, il rend des services pendant une période dite "arakiyye". Quand il est déclaré apte à devenir derviche, une cérémonie, l'ayin-i djem de derviche a lieu et il se met la couronne de derviche.

Le titre de baba est le troisième degré. Si le Calife autorise au derviche le titre de baba alors il pourra porter le turban, il atteint ainsi le grade de baba. Seul les bektashis du plus haut degré, les Califes, peuvent donner ce titre. Les baba descendant de la famille du Prophète portent un turban vert, ou blanc dans le cas contraire.

Le müdjerret (nu, "simple", "innocent") est le quatrième degré. Un baba ou un derviche, qui n'est pas marié, peut obtenir ce titre en déclarant son aspiration. Comme dans la tradition de la confrérie Kalender, il est rasé complètement (tıraş erkâni) . Son oreille droite est percée et il porte un anneau. Il a atteint ainsi le degré de "nu". Personne d'autres que les müdjerret ne peut entrer dans la cérémonie ayin-i djem - müdjerret. Ils ne peuvent pas se marier et se dévouent entièrement à la tarikât (confrérie).

Le dernier degré est celui de Calife. C'est le plus haut degré des bektashi. Ils portent au dessus de leur couronne un turban noir. Un baba peut atteindre ce grade de Calife s'il est admis par 3 müdjerret baba (nu).

Les Bektashis appartiennent à la doctrine Djafari (référence à l'Imam Djafer-i Sadik a.s). Ils portent un grand amour au Prophète et à sa famille. Ils apportent le salut (salavat) à la Sainte Famille et "lisent" le Nât-i Alî, le matin et le soir. Pendant le mois du Muharrem (1er mois sacré de l'année lunaire arabe), ils ne boivent pas de l'eau pendant 12 jours. Après le Muharrem, il se lavent de leurs pêchés pendant un an. Ils fêtent également le jour de la naissance de Hz Ali (a.s), Nevruz, et boivent du lait pendant 3 jours.

Contrairement aux autres confréries (tarikât), les bektashis ne se montrent pas publiquement. Seuls les initiés peuvent y participer. Pratiquant la takkiya (dissimulation des rites), leurs rites sont restés pendant très longtemps inconnus. La première partie des rites comprend la lecture du Kur'ân-i Kerim, puis evrâd (texte sacré) et ezkâr (dévotions)., et est apporté salut et bénédiction (Salat-ü Selâm) au Prophète Hazreti Muhammed (s.a.s). Ils honorent Hazreti Ali, ses descendants, et particulièrement la Sainte Famille, Ahl-ul Bayt. Dans le lieu de communion, ils placent et allument des chandeliers et vivent une vie spirituelle et religieuse dévouée.

Dans la seconde partie, ils quittent le lieu solennel de communion et vont dans le "salon". Et là ils se retrouvent autour d'un banquet, à manger et à boire. Les Nefes (lit. souffle) ou Cantiques sont récités par les chantres avec leur saz dans le temple, et sont chantés par tous les derviches avec un amour et un enthousiasme sérieux. A ce moment des Derviches qui atteignent un état extatique se lèvent et dansent le sema'.

 

La naissance du Bektachisme

Hadji Bektash Veli (descendant seyyid du Prophète par l'Imam Riza d'après le Villayet Name) est arrivé en Anatolie quelques années avant la fin de l’Empire Seldjoukide. Il fait parti des disciples d’Ahmed Yesevi (grand maître soufi en Asie Centrale, à l’origine de divers courants religieux comme le bektachisme, le babaïsme) et a été éduqué par Lokman Parende.

Avant l’arrivée en Anatolie de Hadji Bektash, Baba Ishah était un grand opposant au pouvoir seldjoukide. Baba Ishak a résisté contre ce pouvoir despotique et oppressif et a été l’auteur de plusieurs révoltes dont le plus célèbre est la révolte baba’i de 1239 à 1240) qui l’ont affaibli.

Hadji Bektash Veli arrive en Anatolie dans un contexte de révolte populaire et a été influencé notamment par ces Baba’i.

En dépit de leur clandestinité, les Bektashi ont profondément marqué la vie littéraire, musicale et spirituelle de l'Anatolie et des pays balkaniques. Leurs poètes, qu'on appelait les Ashik (troubadours ou chantres, littéralement l'amoureux), propageaient la tradition bektashi au moyen de leur art. Et leurs poèmes influencèrent fortement la population paysanne, car, contrairement à beaucoup d'autres confréries, les Bektashi n'utilisaient que la langue turque dans toute sa simplicité.

L'Anatolie est un carrefour que les conquérants venus de l'est ont balayé de leur puissance. Son histoire est remplie d'émeutes, de massacres et de misère. La population ne trouvait alors un réconfort à ses maux qu'auprès des confréries et de leurs saints. Le monde, considéré comme un dragon, pouvait seulement être dominé par les prodiges des saints. Cette période de terreur connut son apogée au treizième siècle. D'un côté l'invasion des hordes mongoles, de l'autre les révoltes incessantes des beys contre le sultan, en minaient la puissance des sultans seljoukides. Pour les populations, la miséricorde divine se manifesta par l'apparition de deux grands maîtres, Bektash et Djelaleddin Roumi (à l'origine de la confrérie mevlévie ou des derviches tourneurs). Bektash, du fait de la simplicité de son expression, connut à son époque une influence immense. Le fait que son enseignement soit aisément accessible aux couches les plus simples de la population a permis à certains commentateurs de prétendre que Bektash n'avait fait qu'adapter les anciennes traditions chamans à l'Islam. La seule lecture du Villayet name suffit à ruiner cette hypothèse tant y est sans cesse présente la référence islamique. Ce qui est certain, c'est que Bektash fut l'un des rares islamisants à s'adresser aux populations dans leur propre langage. De même, les successeurs de Bektash qui s'installèrent dans les pays balkaniques surent toujours s'adapter au langage autochtone; à un tel point que dans des pays comme la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie, qui sont aujourd'hui des pays chrétiens, ses successeurs sont considérés autant comme des saints chrétiens que comme des saints musulmans.

Trois siècles après la mort de Bektash, l'un des successeurs, Baloum Sultan (devenu maître en 1502), établit le rite actuel des confréries bektashi, rite qui contredit la vie islamique orthodoxe de façon brutale. Baloum Sultan était d'origine chrétienne et c'est pour cela que de nombreux rites bektashi qui dérivent des rites chrétiens lui sont communément attribués.

Quoi qu'il en soit, les Bektashi sont restés dans l'imagination populaire sous l'aspect de poètes, possédant une bonne réponse pour chaque question, sales et mal vêtus, rebelles à toute norme aussi bien sociale que religieuse. C'était un plaisir de provoquer par des questions leurs réponses insolites. (voir les Dits de Bektashis) Ces réponses sont restées dans les mémoires sous la forme d'anecdotes qui font partie de l'humour populaire turc. La réputation douteuse des Bektashi provient de leur pratique d'une tradition du Khorassan (Iran) nommée malameti (voie du blâme) : ils agissent de manière à attirer un regard défavorable sur eux. Ce n'était pas une confrérie mais simplement une attitude particulière dans la pratique du soufisme.

Au dix-huitième siècle, le sultan Mahmoud II fit exterminer l'armée des janissaires et supprima du même coup les confréries bektashi qui y étaient fortement implantées. De nos jours, bien que quelques confréries subsistent dans le secret, le mot Bektashi désigne davantage un type de personnalité, individualiste et excentrique, du moins en Turquie même. Dans les Balkans, certaines de ces confréries sont toujours en activité.

Bien que l'enseignement de Bektash et de ses confréries ait surtout été transmis oralement, il se trouve quelques écrits au sujet de leurs rites, leur littérature et leurs traditions. Les plus importants de ces ouvrages sont : Hadji Bektash, Risale-i Ahlak, traité d'éducation formé de recommandations recueillies par les disciples du maître; Bahr-Ul Hakayik (L'océan de vérité), ouvrage qui traite du sixième Imam, Djafer Sâdik; Risale i Tarikat, traité sur les confréries; Villayet name.

Sommaire