Mise à jour le 16 décembre 2004
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Cantiques - Nefes
Depuis les débuts de leur participation à la civilisation islamique au X siècle, les Turcs ont connu deux formes de littérature : l'une, savante, se développa dans le milieu de cour et s'exprima d'abord en persan puis en ottoman : l'autre, plus populaire, utilisa le turc. C'est à cette dernière qu'appartient le répertoire des Asik. Lorsqu'au XI' siècle les Seldjoukides venus du Turkestan fondent en Perse la première grande dynastie turque du Moyen-Orient, ils découvrent une culture alors e son apogée. Poètes et musiciens sont légion, représentants d'un art raffiné dominé par de grands maîtres tels que Hakim Senayi. Omar Khayyam, Farudeddin Attar. Les nouveaux maîtres de l'Iran, sans vraiment l'encourager ne font cependant rien pour contrarier le rayonnement culturel persan. Mais déjà se manifestent une volonté de préservation de la langue turque et les prémisses d'une littérature dont Kasgarli Mahmud (mort en 1072), auteur de l'encyclopédie Divanü lugat-it-türk, est l'initiateur Même après la conquête de l'Anatolie, les Seldjoukides (1077-1309) ne peuvent toujours pas faire face à la suprématie de la littérature persane. Le persan demeure la langue officielle et toutes les grandes personnalités de l'intelligentsia turque de l'époque, comme par exemple Jallaleddin Rûmi, s'expriment dans cette langue. Lorsque le déferlement mongol au XIII' siècle sonne le glas de l'empire seldjoukide, il est remplacé par les Ottomans qui ne formaient jusqu'alors qu'un petit Etat. Les Ottomans créent une langue nouvelle, l'"Osmanli", synthèse de l'arabe du persan, du turc et de quelques éléments de grec, les premiers essais littéraires ottomans apparaissent dans l'oeuvre poétique de Hoca Dehhani (XIII' s). A la même époque et parallèlement a la littérature ottomane, une poésie d'expression turque se fait jour en Anatolie. Son histoire suit bien des détours et elle s'enrichit profondément de l'apport du soufisme. Dans le courant du XII' siécle, le grand mystique turc Hoca Ahmed Yesevi, originaire du Khorassan dans le nord-est de l'Iran, devient la source d inspiration de plusieurs confréries dont les Bektashi, les Baba-i et les Haydar,. Celles-ci, dans leurs pérégrinations jusqu'en Anatolie transmettent un nouveau mode d'expression poétique en turc, hérité du Recueil de la Sagesse /Divan-i Hikmet) d'Ahmed Yesevi. Cette oeuvre majeure inspire plusieurs poètes comme Balum sultan, Yunus Emre et "Hatayî" Isma'il Shah alors shah d'Iran 1. Les illustres descendants de cette lignée de poètes mystiques seront Koyun Abdal, Kul Himmet, Pir Sultan Abdal, ainsi que Ozan, Bahshi, Kul Mehmet, Hayali et Köröglu 2 Leur oeuvre va constituer la base d'une littérature anatolienne dont la langue révèle encore les origines asiatiques. En Asie Centrale et plus particulièrement en Ouzbekistan (Samarkand, Boukhara), le turc connaît un immense essor littéraire sous l'impulsion de Çagatay-khan, fils cadet de Gengis-khan. Le turc « çagatay devient l'une des principales langues de culture, tout d'abord sous la dynastie des Çagataïdes qui dominent pendant un siècle et demi l'Asie Centrale et la Transoxiane , puis sous celle des Timurides fondée en 1370 par Tamerlan. Deux descendants de Tamerlan se distingueront à la fois comme poètes et comme hommes politiques Babur Shah, fondateur de l'empire moghol en Inde et Hüseyin Baykara, sultan de Kaboul. Ainsi, venus du Khorassan et des grandes cités d'Ouzbekistan, deux courants de la littérature turque vont nourrir la poésie anatolienne. La poésie turque anatolienne se distingue de la littérature de cour persane et ottomane par son caractère protestataire. Lors des invasions mongoles en Anatolie, le pouvoir seldjoukide obligé de verser des impôts très lourds à l'envahisseur doit prendre une série de mesures Impopulaires. Celles-ci provoquent plusieurs révoltes soutenues et alimentées par les confréries religieuses, dont les Baba-i. Ces insurrections sont réprimées dans le sang mais permettent néanmoins de raffermir la position des soufis auprès du peuple. En se servant d'arguments puisés dans la pensée shiite, tout un pan du mouvement confrérique se sert de la querelle qui divise l'islam entre sunnites et shiites pour marquer son hostilité a un pouvoir qu'il juge pusillanime et tyrannique. Maints poètes turcophones épousent cette cause en usant dans leur oeuvre des mêmes armes théologiques. Ils jettent ainsi les bases d'une littérature contestataire d'expression turque qui coûtera la vie à nombre d'entre eux. Au cours des XV' et XVI' siècles, les relations entre l'empire persan et l'empire ottoman se détériorent considérablement, le shah se pose en protecteur des shiites d'Anatolie et le sultan ottoman en pourfendeur des "hérétiques". C'est dans cette conjoncture que Hizir Pacha alors gouverneur de Sivas, interdit à son ancien maître, le poète Pir Sultan Abdal, d'utiliser le mot "shah" dans sa poésie. Ayant contrevenu à cette censure, Pir Sultan Abdal meurt pendu. Du fait de sa simplicité d'expression et de son fort contenu mystique, la poésie anatolienne héritière du courant soufi du Khorassan se propage beaucoup plus facilement dans le pays que la littérature savante ottomane. Vers le XVI siècle apparaissent des poètes-chanteurs s'accompagnant sur un instrument d'origine asiatique, le saz. Ils interprètent les poèmes de leurs illustres prédécesseurs mais aussi des compositions originales marquées également par le shiisme et la contestation contre les injustices du temps. Ces aèdes prennent le nom de asik "amoureux", "passionné". Cette passion, entendue ici dans son sens mystique de relation au divin leur vaut également le titre de hak-asik "amoureux de la Vérité ". Au fil des générations et du fait de cette vie itinérante qui conduit les asik à parcourir sans cesse le pays, leur poésie perd peu à peu de son contenu religieux pour devenir une chronique descriptive, critique et engagée sur la vie quotidienne du peuple turc. Au XVIII' siècle les asik sont attirés par les grandes villes de l'empire et leur poésie se modifie au contact de la société citadine et savante. Tout en se métamorphosant, l'art des asik élargit considérablement son audience et s'enracine dans d'autres populations de l'empire ; Grecs et Arméniens ont bientôt leurs ashuq qui composent et chantent aussi bien en turc que dans leur langue maternelle A le fin de l'empire ottoman (1923), le désir de la jeune république turque de récréer une identité culturelle nationale trouve une réponse dans la poésie des asik, porteuse de révolte contre l'ancien pouvoir. Aujourd'hui, cette tradition se perpétue, bien qu'une récupération partielle tende à la transformer en un folklore destiné à soutenir les arguments politiques du pouvoir en place. Les poètes les plus représentatifs de cette littérature Yunus Emre (XIII's.), Pir Sultan Abdal (XVI s.), Sefil Kemter (XVII.. s.), Noksani, Sâdik, Sefil Emrah (XVIII s.). Kudsi Erguner (dans Chants d'Amour et de Sagesse d'Anatolie)
1 Le brassage culturel a celle epoque a ceci de remarquable qu'il transcende les différends politiques et autorise le shah d Iran a écrire en turc tandis que son farouche adversaire. le sultan ottoman Yavuz Sultan Selim compose de la poésie persane 2 Köröglu est également le héros d'une épopée célèbre, chantée dans toute l'Asie Centrale
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Avant que le Kâf et le Nûn ne se soient manifestés Avant que le Kâf et le Nûn ne se soient manifestés Nous étions déjà à l'origine de la Créature Avant que les êtres ne se soient rencontrés Nous nous trouvions dans le degré le plus bas des deux arcs.(1)
Lorsque Adam et Eve n'étaient pas encore sur le monde Nous étions dans le Secret subtil de Dieu avec Dieu Pendant une nuit nous fûmes les hôtes de Meryem : aussi sommes-nous le vrai père de Jesus
Les enfants du Messie nous ont appelé "Père" Moïse s'est écrié : "O Seigneur, manifeste-toi !" Mais ce fûmes Nous qui lui dîmes : "Tu ne peux pas nous voir !" Car c'est Nous, la Manifestation du Mont Sinaï (2)
Le mystère du Trésor Caché s'est révélé à nous Nous avons connu avec certitude la Perfection Divine O Hodja, le secret de la Divinité est en nous car Nous sommes les derviches de Hadji Bektash
O Dévôt, la victoire de Dieu est en nous ne crois pas que Harabî n'est qu'un pauvre ignorant Nous sommes les parfaits parce que Nous sommes les disciples de Pir Balim Sultan Edip Harabi (1853-1917)) (1) Coran, LIII, 9 ***
J'ai été jeté d'une lampe à une autre Devenant la terre ( turab ), j'ai été disséminé sur la surface de la terre Un temps j'étais le Vrai (1), je suis resté au coté du Vrai Mon cœur s'est enflammé, je me suis consumé et je suis venu
Pendant la Pré-Eternité , Nous avons connu un Vrai Depuis que le Vrai a donné parole, Nous L'avons désigné "le Vrai" (1) Dans la communion des Quarante, Nous nous sommes lavés, ainsi devenus purs Je ne veux pas des ablutions, je me suis lavé et je suis venu
O Shah Hatayi, l'ordre est à toi Tu seras le remède à chaque serviteur de Dieu Mon Beau Roi (2), à toi mille sacrifices de mon âme Il ne veut pas du sacrifice, je l'ai sacrifiée et je suis venu Shâh Isma'il Khatâ'i (1488-1524) (1) Le Vrai : Hakk – Dieu ***
Dans le monde des Esprits, au Banquet de la Création Dans le monde des Esprits, au Banquet de la Création resplendit la Lumière de Muhammed - 'Ali Celui qui se manifesta, en tuant les Mécréants brandissant dans sa main Zü'l-Fiqar, ce fut 'Ali
Les Trois ont atteint l'Unité des Deux Mondes Les Cinq ont tenu le pan de la robe Les Sept ont gouté au breuvage de l'Unité Ce sont eux les Maîtres à la robe très pure
Les Quatorze Innocents Très Purs et les Douze Imams, Les Dix Sept Compagnons Initiés , et aussi les Quarante, C'est pour eux que la Plume de l'Invisible Traça la Ligne de l'Equateur
Et moi, Ilhami Abdal, je suis leur esclave à tous Et le Seigneur Hajji Bektash est mon maître. Ilhamî Abdal (XIX' siècle)
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Mon serment c'est "An-al-Haq" Mon serment c'est "An-al-Haq" (1) Ce serment, c'est le Vrai Celui qui est Toute Beauté, est le Vrai Hakk Muhammed Ali sont le Vrai Hajji Bektash Wali est le Vrai
Connais les Dix-sept Evidences (2) Connais les versets qui les révèlent Connais les origines de ces versets Hakk Muhammed Ali sont le Vrai Hajji Bektash Wali est le Vrai Perisan Baba (XIX' siècle) (1) Je suis le Vrai (Dieu) ***
Venu au monde pour le régénérer Venu au monde pour le régénérer J'eus en ce lieu de communion la vision de mon essence Possédé par cette créature qu'est le Temps Je compris que j'avais lapidé ma vie
Il est venu parmi nous, il a aimé Nous nous sommes aimés Nous avons échanger les coupes, j'ai bu ses paroles de fidélité Et l'on sut plus tard que sa nature était vile
Accomplissons une oeuvre pour ton serviteur Noksani Allons vers le seuil des Douze Imams Que faire d'une nature corrompue? Nous sûmes plus tard qu'Iblis ne veut rien apprendre Noksani
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Ne te laisse pas piéger par les honneurs de ce monde Ne te laisse pas piéger par les honneurs de ce monde Toi non plus tu n'échapperas pas à ton destin Ne te gonfle pas en te vantant d'être quelqu'un Toi non plus tu n'échapperas pas à ton destin
Gardons la foi et la religion dit Yunus le derviche Car Suleyman (1) lui-même a disparu avec son trône et sa couronne Lokman (2) n'a pas su trouver de remède à son chagrin Lui non plus n'a pu échapper à son destin Yunus Emre (1)Le roi Salomon (Suleyman) considéré dans l'islam comme le prophète auquel Dieu confia toutes les richesses de ce monde et la connaissance des animaux ***
J'ai tenu un miroir devant mon visage J'ai tenu un miroir devant mon visage : Ali est apparu à mes yeux Je me suis regardé moi-même : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû...
Dans Adam, notre père, et dans Eve, Dans les noms et les attributs de Dieu, Dans le tournoiement des sphères célestes : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû...
C'est lui - Noé qui fut sauvé par Dieu, C'est lui - Ibrahim, l'Ami de Dieu, C'est lui - la Parole de Dieu au Sinaï : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû...
C'est lui - Jesus qui fut sauvé par Dieu, C'est lui - le Roi des Deux Mondes, C'est lui - le refuge des croyants : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû...
Ali - c'est le Commencement, Ali - c'est la Fin, Ali - c'est le Caché, Ali - c'est l'Apparent Ali est le Beau, Ali est le Pur : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû...
Ali c'est l'Ame, Ali c'est le Bien-Aimé, Ali c'est la religion, Ali c'est la foi, Ali est le Clément, Ali est le Miséricordieux : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû...
Je suis Hilmî, un humble mendiant, Mon oeil le voit, ma langue l'appelle, Partout où je regarde : Ali est apparu à mes yeux : Hû mon Ali hû Hû mon Roi hû... Mehmet Ali Hilmî Dedebaba (1843-1907)
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Nous n'avons de haine pour personne, Nous n'avons de haine pour personne, L'étranger est aussi notre ami. Là où il y a misère et désolation, C'est là notre lieu d'habitat. Notre nom est pauvreté , Notre ennemi, c'est la haine. Nous n'avons de haine pour personne, Tous les hommes sont nos égaux.
Notre patrie, c'est le Paradis Notre Compagnon, c'est le Vrai (Dieu) C'est vers lui que nous nous dirigeons Les autres chemins nous sont étroits Yunus Emre
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Si l'on t'interroge... Si l'on t'interroge sur ta doctrine, ô dévot Et que tu répondes : "ma doctrine est celle d'Abu Hanifa" (1) Même si tu as un grain de foi Je n'appelerai pas cela foi, mon cher
Malheur, malheur [Abu Hanifa] n'est pas un Imam Par Dieu, il n'est pas le Grand Imam (Imam-i Azam (2)) Son imamat ne s'accorde pas avec l'Islam Ne prête pas l'oreille à ses balivernes
Cet individu fut l'ennemi des descendants de notre saint Prophète Harabi toi, rattache toi à Imam Ja'far (Sadeq) et n'accepte aucune autre doctrine Edip Harabi (1853-1917) (1) Abu Hanifa : fondateur de la première école juridique sunnite, la plus répandue ***
Le manteau du blâme Le manteau du blâme Je m'en suis recouvert... La bouteille de la honte et de la pudeur Je l'ai lancée sur la roche. Qui cela regarde-t-il ?! Haydar, Haydar
« C'est illicite » ont dit les dévots [religieux sunnites] Au vin de mon amour Je remplirais la coupe, je le boirais Le pêché est le mien. Qui cela regarde-t-il ?! Haydar, Haydar
Tantôt je monterais au ciel Y contempler le monde Tantôt je descendrais sur terre Le monde me contemplant. Haydar, Haydar
Les dévots [religieux sunnites] se prosternèrent Vers le Mihrab du temple (mosquée) Mon lieu de prière est le seuil du Bien Aimé Je m'y prosternerais. Qui cela regarde-t-il ?! Haydar, Haydar
Je le perds, je le cherche Le Bien Aimé est le mien. Qui cela regarde-t-il ?! Tantôt j'irais dans le jardin de mon âme J'y cueillerais des roses. Qui cela regarde-t-il ?! Haydar, Haydar
Tantôt j'irais à l'école religieuse Y prendre des cours pour Hakk (Vérité) Tantôt j'irais à la taverne Y prendre un verre, pour Ashk (Amour) Haydar, Haydar
A Nesimi, on a demandé « Es-tu satisfait de ton Bien Aimé ? » Que j'en sois satisfait ou non Ce Bien Aimé est le mien, qui cela regarde-t-il ? Haydar, Haydar Kul Nesimi
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O Zahid, soit honorable au Vin O Zahid (1) , soit honorable au Vin, Cesse ces commérages, soit Musulman Au gens il est licite ; aux non-gens, illicite Nous consentons à boire ; à nous, il n'y a pas ce pêché
Pour faire œuvre pie, nous boirons du vin Si nous ne buvons pas, nous serons mains liées, torturés Ta raison ne peut atteindre cet autre mérite Cette perfection, nous l'avons trouvé dans la Maison du Vin (2)
Pendant les nuits de Kandil (3) , nous serons lampe (à l'huile) Et dans la lampe, la mèche Pour resplendir Hakk , nous serons preuve de guidance Les aveugles, quant à eux, ne la verront pas
Tu es un traître ( munkir ) : à toi, le vin est illicite Attends alors, de boire dans l'au-delà Harabi, ne divulgue pas davantage la parole profonde! Car il ne distingue pas le licite de l'illicite. Edip Harabi (19 ème siècle) (1) Zahid : personne non mure *** En ce monde une lumière a jailli En ce monde une lumière a jailli (bis) Dans la nuit où est né Muhammed Une lumière est descendue de la Lampe céleste verte Dans la nuit où est né Muhammed
L'Ami est Ali, le maître est Ali Les hommes de Dieu ont revêtu leur pelisse Je ne veux pas de vêtement de soie Le froc et la pelisse me suffisent, Ô Muhammed, ô Ali
Muhammed est sorti du sein de sa mère Les mécréants en perdirent la raison Mille églises s'écroulèrent Dans la nuit où naquit Muhammed
Les houris du paradis descendirent Elles interrogèrent Muhammed sur sa foi Elles l'enveloppèrent dans des langes de lumière Dans la nuit où naquit Muhammed
Tous les anges se tenaient prêts Ils chantaient les louanges de Muhammed Les portes du paradis s'ouvrirent La nuit où naquit Muhammed
Je suis Shâh Khatâ'i, dites-le aux derviches Les larmes coulent de mes yeux Je fais couler des larmes de leurs yeux Les arbres se sont inclinés en prosternation La nuit où naquit Muhammed Shâh Khatâ'i (1488-1524)
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Le Roi des hommes est entré en extase et a révélé son secret
Le Roi des hommes est entré en extase et a révélé son secret «C'est Moi qui fais tomber la pluie» a-t-il dit à Omar A ce moment la foudre se mit à étinceler et le ciel à tonner C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !
Omar se rendit auprès de Muhammed et lui demanda «Est-ce Ali, ô Muhammed, qui tonne le plus haut dans le ciel ? «La roue céleste est dans Sa Main c'est Lui qui révèle le mystère de la Sagesse.» dit Muhammed C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !
Hak Muhammed dit: «Ali est le Seul et l'Etre Unique Il est l'Alpha et l'Oméga, Il règne sur tout Ceux qui associent Ali sont des mécréants.» C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !
En disant "Soit" (Kun) , Il a créé les Dix-huit mille mondes Il est la plume qui écrit et change la Tablette Gardée Il est le remède à toutes les peines, et panse toutes les blessures C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !
«Ma chair est sa Chair» a-t-il dit, «mon corps est Ali, mon sang est son Sang» «Ali est Mon Visage» a dit [Dieu] le Majestueux Son décret est éternel, II est la Parole de Justice, il n'y a pas d'autre Dieu que Lui C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !
Je suis Ali le misérable, mon intelligence n'atteint pas la sagesse de Ali Seul le joaillier peut évaluer le prix des joyaux et des rubis L'Aimé est apparu à l'amoureux, il en a perdu la raison C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali ! Sefil Ali
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Je suis parvenu au seuil des Quarante J'ai contemplé la coupole du paradis Je me suis prosterné en adoration devant la Vérité Dieu est le commencement, Dieu est la fin
Que Dieu m'en garde, je ne m'en détournerai pas Je répète "Dieu, ô Dieu" Ma foi, mon crédo, c'est Lui seul J'ai bu la coupe de l'initiation de la main de mon maître
De lui j'ai appris les arcanes de la voie Le pieux serviteur est en paix Dieu est le commencement, Dieu est la fin...
Je suis Davud Sulari, âme parmi les âmes Notre seigneur est Mahmud Hayrani ,mon maître est Veys al-Qaràni Dieu est le commencement, Dieu est la fin Davud Sulari Les
Quarante : Membres de la hiérarchie cosmique, gardiens des secrets initiatiques
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La couronne sacrée de la liberté La couronne sacrée de la liberté Si tu es sage, il faut la mettre sur ta tête Celui qui est rassasié, que connaît-il de la souffrance ? Le coeur de celui qui est rassasié est comme la pierre
Si tu aimes le peuple Témoigne de la compassion à l'opprimé Puisse se résoudre le mystère de cette énigme Puisse cette nuit prendre fin
L'usurier qui pille le peuple Les enfants des pauvres humains n'ont plus rien que de larmes dans leurs yeux Dervish Kemal, de tout son être, A vu Dieu avec ses yeux Avec leurs saz et avec leurs chants Les ashik doivent combattre Dervish Kemal (XXème siècle)
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Si l'on coupait mon corps en morceaux Si l'on coupait mon corps en morceaux Ce serait encore trop peu pour l'amour de Hüseyin Si je prêtais serment à Yezid Que la malédiction soit sur moi !
Si Allah me disait: «Yezid (1) n'a aucun tort» S'il me disait: «Je le veux ainsi» Que la malédiction soit sur Lui Si Yezid me faisait roi
S'il mettait l'humanité sous mon ordre S'il me disait : «Le paradis est à toi» Et si j'y entrais, que la malédiction soit sur moi !
Dieu est Un, Muhammed, Ali L'Un est le Prophète, l'Autre est le Saint Si je ne suis pas fou à cause de l'amour de Hüseyin Que la malédiction soit sur moi !
Feyzullah dit : «Dieu est Un» Ceux qui disent qu'Il est Deux sont aveugles La malédiction sur Yezid est un acte de lumière (2) Si cette lumière ne jaillit pas Que la malédiction soit sur elle !
La malédiction sur le méchant est un acte de lumière Si cette lumière ne jaillit pas Que la malédiction soit sur elle ! Feyzullah Tchinar (1) Yezid : Le calife,
fils de Muawiya, responsable de la mort de Hüseyin et dont le nom équivaut
à celui de Judas ***
Hz Imam Hüseyin
*** Ne chante pas, rossignol, ne chante pas... Ne chante pas, rossignol, ne chante pas, mon cœur n'est pas joyeux Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes La mèche de ma lampe s'est consumée et l'huile s'est épuisée Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant Ali, Ali, Ali, je vais brûlant
Je suis semblable aux torrents qui se sont mêlés à la mer Je suis semblable aux roses ouvertes avant le temps Je suis semblable aux cendres dont le feu s'est éteint Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant Ali, Ali, Ali, je vais brûlant
Tu entendras parler de moi parmi les héros Tu panseras ma blessure parmi les martyrs Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant
Je suis Pir Sultan Abdal, le terme de ma vie est arrivé, Sans manger et sans boire, l'eau de ma vie s'est tarie J'ai été pendu pour avoir trop aimé Dieu Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant Ali, Ali, Ali, je vais brûlant. Pir Sultan Abdal (XVIème siècle) L'ashik compare son coeur à une
lampe à huile au début *** Pir Sultan Abdal ***
Ah ! Combien faibles sont nos soupirs ! Ah ! Combien faibles sont nos soupirs ! (bis) Sacrifions notre vie à notre Roi' Toi Müljem', toi le bâtard Comment as-tu pu attenter à la vie de notre Roi ?
Cette douleur est un don de Dieu Nous n'avons aucun droit de nous plaindre Cette douleur vit dans nos coeurs Nous n'avons d'autre Roi que Toi ! (bis)
Ce décret est venu de Dieu (bis) Peut-on trouver remède à cette souffrance ? Tu as rendu notre Hüseyin orphelin Ô toi Yezid, ô toi Mervan !'
Cette douleur est un don de Dieu... Ils ont tendu une embuscade sur Ton chemin Ils T'ont tué pendant la prière O Hasan mon Roi, O Hüseyin mon Roi'
Cette douleur est un don de Dieu... Anonyme Roi: Ali, le "Roi des
Braves ", Shâh-i Merdan *** ***
Les méfaits de ce cruel sanguinaire Les méfaits de ce cruel sanguinaire Me font pleurer comme un rossignol en détresse Les pierres tombent sur ma tête comme la pluie Une seule rose de l'Ami me tue, moi, moi, moi Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi Un seul frôlement de l'Ami me meurtrit Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi
Dans ce jour de malheur j'ai distingué mes amis de mes ennemis J'avais dix souffrances, maintenant j'en ai cinquante Mon arrêt de mort a été prononcé Ou il faudra qu'on me pende ou il faudra qu'on me tue, moi, moi, moi Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi
Je suis Pir Sultan Abdal, mon âme ne peut s'échapper de mon corps Si l'ordre ne vient de Dieu la pluie de la miséricorde ne se répandra pas Les pierres que me jetteront ces mains ennemis ne me toucheront pas C'est la rose de l'Ami qui me tuera Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi Pir Sultan Abdal (XVIème siècle)
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Lui, ma Lumière, est la pleine lune parmi les Saints Lui, ma Lumière' est la pleine lune parmi les Saints Lui, ma Lumière, est la pleine lune parmi les Prophètes La Révélation appartient à Ahmed-i Muhtar [Muhammed] Zülfikar, Düldül, la victoire d'Hayber Appartient à Janab-i Haydar Kerrar (Hazret Imam Ali)
Vois donc les hommes créés par le Créateur Les uns ont chevauché des lions, utilisant des serpents comme cravache Mais le pouvoir de faire marcher les murs Appartient à notre Seigneur Haji Bektash le Saint
Comprendre les mystères de l'Initié Déclarer «Je suis le Vrai» comme l'a dit Mansûr Ecouter les conseils du Maître Parfait [Haji Bektash] Tout ceci appartient à Harabi, lui qui est initié aux Mystères Edip Harabi (fin du XIXème siècle) Ali, le "Roi des braves",
Shah-i merdan ***
Je suis né pour indiquer au monde le droit chemin Je suis né pour indiquer au monde le droit chemin C'est dans le Meydan que j'ai vu mon imperfection Aux créatures du siècle, Ô Ami [Manifestation divine] que j'ai donné mon coeur L'erreur engendrée par mon imparfaite connaissance je ne l'ai vue qu'après
II est venu vers nous, II est devenu notre Ami II a pris et II a tendu la coupe", II l'a remplie et II l'a bue II a dit: «Je suis votre compagnon fidèle, Ô Ami», II a bu, II a prononcé le serment Son coeur était mauvais, nous ne l'avons vu qu'après
Ah ! les multiples visages de ce méchant! Le sel n'a pas, Ô Ami, guéri nos blessures Les paroles de ce mécréant aux deux religions Au fil du temps n'ont troublé les âmes qu'après
Je suis ton esclave Noksani, je veux te servir Je vais rejoindre la voie des Douze Imams, Ô Ami, je vais la rejoindre Que puis-je faire de ce Müljem au coeur mauvais, que puis-je faire ? Satan" ne peut devenir disciple, nous ne l'avons vu qu'après L'impie ne peut entrer dans le droit chemin, nous ne l'avons vu qu'après Ashik Noksani
Müljem : le nom d’assassin d’Ali est pris dans le sens de Judas
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II ne faut pas dresser un piège à l'amoureux II ne faut pas dresser un piège à l'amoureux S'il est parvenu au côté de l'Ami II n'allume pas la chandelle du «Moi» S'il est parvenu au côté de l'Ami
Peu importent pour nous l'Être et le Néant Avec patience nous sommes entrés dans le droit chemin Les amoureux rendent grâce pour le peu qui leur est donné S'ils sont parvenus au côté de l'Ami
L'intelligence a été donnée à l'homme L'intelligence a été donnée à Adam Ceux qui l'ont reçue peuvent-ils rester dans l'ignorance ? Ton esclave amoureux est certainement dans la voie juste S'il est parvenu au côté de l'Ami
Semih Sergen est entré en extase Ton esclave Sergen est entré en extase II écrit ce que dicte la plume Puisqu'il est arrivé au côté de l'Ami Puisqu'il est arrivé au côté de l'Ami Semih Sergen
*** Venez, Ames, Unissons-nous Venez, Ames, Unissons-nous Brandissons l'épée contre les traîtres Réclamons le droit du pauvre Réclamons le droit de l'orphelin Soyons confiants en Dieu le Très-Haut (bis)
Unissons nos coeurs Soyons comme le torrent impétueux Marchons, marchons Réfugions-nous en Dieu le Très-haut (bis)
Si je suis Pir Sultan, je me suis insurgé Que les traîtres soient confondus Ce qui est prédit doit arriver (bis) Soyons confiants en Dieu le Très-haut (bis) Ce qui est prédit doit arriver (bis) Soyons confiants en Dieu le Très-Haut. Pir Sultan Abdal (XVIème siècle)
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Je suis allé dans la montagne... Je suis allé dans la montagne et mon coeur est devenu joyeux Ô montagne qui est la joie de mon coeur, salut! Mes yeux ont pleuré et mes pleurs ont formé [un torrent bouillonnant Torrents grisâtres qui coulez, salut!
Ô Toi qui a voyagé sur l'aile de l'hirondelle Salue de ma part les narcisses et les violettes Salue de ma part le Sultan", les Cinq Rochers" Aux héros qui sont morts ensevelis là-bas, salut!
Mon Maître habite Kara Ôyük II a fait venir d'Akpinar un couple de canards II a fait venir du Khorassan la branche de bois brûlé (*) A sa branche et à son tronc d'arbre, je dis «Salut !»
Je suis Ibrahim le misérable, ma langue s'est déliée Je suis l'ashik qui veut aimer son Maître Ce seuil où je prosterne mon visage nuit et jour Abu Zemzem et Tchilehane, salut Sefil Ibrahim II s'agit d'un poème composé pour
l'actuel village de Haji Bektash (ancien Kara Ôyük) où se trouve le sanctuaire
du saint ***
La danse du coursier gris Comme II t'a bien créé Dieu le Très-Haut Que ta renommée se répande à travers le monde, ô mon ami J'ai contemplé ta beauté, louange à Dieu ! Mon amour pour toi m'a rendu fou, ô ami Coursier gris, coursier gris...
Ta crinière de jacinthes flotte sur ta croupe galbée Je ne donnerai pas un seul de tes crins pour un million Lorsque le vent du matin se lève, tu te changes en une rose fraîchement éclose, ô ami Coursier gris ...
Je suis devenu malade d'amour pour ta beauté Je suis devenu un maître qui dénoue les difficultés Même si le prix de la beauté était bradé, ton prix à toi serait hors de mes moyens
Je suis Hafiz Kamil, puisse mon Seigneur exaucer mon désir Même si ceux qui ne connaissent pas la passion me considèrent avec mépris Même si le bourreau me tranche le cou de son épée Malgré tout, je continuerai à chanter Tes louanges, Mon aimé Hafiz Kamil *** Je fus Shemsi Sultan II fut un temps, je vins au monde en tant que brigand J'égorgeai ceux qui quittaient la grand-route Puis je plantai la branche de bois mort et je trouvai le salut Je fus Shemsi Sultan le bandit des grands chemins
Je devins Kosh Hüseyin Abdal Je fus coiffé du bonnet des derviches On mit en ma main la hache [rituelle] Les mots sacrés ne quittent plus ma langue Le rang d'abdal je le reçus de Balim Sultan
Je fus Shemsi Sultan...
Ma famille vient de Denizle, mais notre lignée
[spirituelle] remonte à Bektash le Saint J'ai planté la branche morte, le pin a verdi, le verger a fleuri Tout le monde en fut stupéfait J'ai égorgé quatre-vingt dix-neuf personnes Je m'apprêtais à tuer la centième
Je fus Shemsi Sultan...
Je suis Haydar Muhlisi, j'ai bu la coupe [initiatique] Que ceux qui aiment Hüseyin suivent cette voie Mon maître est le Seigneur Hadji Bektash le Saint Je fus Shemsi Sultan... Haydar Muhlisi Hadji Bektash lui avait donné cette branche à planter en disant que lorsque par son ascèse ses fautes lui seront pardonnées, la branche fleurira *** Traduction des poèmes : Irène Mélikoff (avec la collaboration de Jean During), Kudsi Erguner...
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