Mise à jour le 16 décembre 2004

Cantiques - Nefes

 

Cantiques ( Nefes)

Depuis les débuts de leur participation à la civilisation islamique au X siècle, les Turcs ont connu deux formes de littérature : l'une, savante, se développa dans le milieu de cour et s'exprima d'abord en persan puis en ottoman : l'autre, plus populaire, utilisa le turc. C'est à cette dernière qu'appartient le répertoire des Asik.

Lorsqu'au XI' siècle les Seldjoukides venus du Turkestan fondent en Perse la première grande dynastie turque du Moyen-Orient, ils découvrent une culture alors e son apogée. Poètes et musiciens sont légion, représentants d'un art raffiné dominé par de grands maîtres tels que Hakim Senayi. Omar Khayyam, Farudeddin Attar. Les nouveaux maîtres de l'Iran, sans vraiment l'encourager ne font cependant rien pour contrarier le rayonnement culturel persan. Mais déjà se manifestent une volonté de préservation de la langue turque et les prémisses d'une littérature dont Kasgarli Mahmud (mort en 1072), auteur de l'encyclopédie Divanü lugat-it-türk, est l'initiateur Même après la conquête de l'Anatolie, les Seldjoukides (1077-1309) ne peuvent toujours pas faire face à la suprématie de la littérature persane. Le persan demeure la langue officielle et toutes les grandes personnalités de l'intelligentsia turque de l'époque, comme par exemple Jallaleddin Rûmi, s'expriment dans cette langue. Lorsque le déferlement mongol au XIII' siècle sonne le glas de l'empire seldjoukide, il est remplacé par les Ottomans qui ne formaient jusqu'alors qu'un petit Etat.

Les Ottomans créent une langue nouvelle, l'"Osmanli", synthèse de l'arabe du persan, du turc et de quelques éléments de grec, les premiers essais littéraires ottomans apparaissent dans l'oeuvre poétique de Hoca Dehhani (XIII' s).

A la même époque et parallèlement a la littérature ottomane, une poésie d'expression turque se fait jour en Anatolie. Son histoire suit bien des détours et elle s'enrichit profondément de l'apport du soufisme. Dans le courant du XII' siécle, le grand mystique turc Hoca Ahmed Yesevi, originaire du Khorassan dans le nord-est de l'Iran, devient la source d inspiration de plusieurs confréries dont les Bektashi, les Baba-i et les Haydar,. Celles-ci, dans leurs pérégrinations jusqu'en Anatolie transmettent un nouveau mode d'expression poétique en turc, hérité du Recueil de la Sagesse /Divan-i Hikmet) d'Ahmed Yesevi. Cette oeuvre majeure inspire plusieurs poètes comme Balum sultan, Yunus Emre et "Hatayî" Isma'il Shah alors shah d'Iran 1. Les illustres descendants de cette lignée de poètes mystiques seront Koyun Abdal, Kul Himmet, Pir Sultan Abdal, ainsi que Ozan, Bahshi, Kul Mehmet, Hayali et Köröglu 2 Leur oeuvre va constituer la base d'une littérature anatolienne dont la langue révèle encore les origines asiatiques.

En Asie Centrale et plus particulièrement en Ouzbekistan (Samarkand, Boukhara), le turc connaît un immense essor littéraire sous l'impulsion de Çagatay-khan, fils cadet de Gengis-khan. Le turc « çagatay devient l'une des principales langues de culture, tout d'abord sous la dynastie des Çagataïdes qui dominent pendant un siècle et demi l'Asie Centrale et la Transoxiane , puis sous celle des Timurides fondée en 1370 par Tamerlan. Deux descendants de Tamerlan se distingueront à la fois comme poètes et comme hommes politiques Babur Shah, fondateur de l'empire moghol en Inde et Hüseyin Baykara, sultan de Kaboul. Ainsi, venus du Khorassan et des grandes cités d'Ouzbekistan, deux courants de la littérature turque vont nourrir la poésie anatolienne.

La poésie turque anatolienne se distingue de la littérature de cour persane et ottomane par son caractère protestataire. Lors des invasions mongoles en Anatolie, le pouvoir seldjoukide obligé de verser des impôts très lourds à l'envahisseur doit prendre une série de mesures Impopulaires. Celles-ci provoquent plusieurs révoltes soutenues et alimentées par les confréries religieuses, dont les Baba-i. Ces insurrections sont réprimées dans le sang mais permettent néanmoins de raffermir la position des soufis auprès du peuple. En se servant d'arguments puisés dans la pensée shiite, tout un pan du mouvement confrérique se sert de la querelle qui divise l'islam entre sunnites et shiites pour marquer son hostilité a un pouvoir qu'il juge pusillanime et tyrannique.

Maints poètes turcophones épousent cette cause en usant dans leur oeuvre des mêmes armes théologiques. Ils jettent ainsi les bases d'une littérature contestataire d'expression turque qui coûtera la vie à nombre d'entre eux. Au cours des XV' et XVI' siècles, les relations entre l'empire persan et l'empire ottoman se détériorent considérablement, le shah se pose en protecteur des shiites d'Anatolie et le sultan ottoman en pourfendeur des "hérétiques". C'est dans cette conjoncture que Hizir Pacha alors gouverneur de Sivas, interdit à son ancien maître, le poète Pir Sultan Abdal, d'utiliser le mot "shah" dans sa poésie. Ayant contrevenu à cette censure, Pir Sultan Abdal meurt pendu.

Du fait de sa simplicité d'expression et de son fort contenu mystique, la poésie anatolienne héritière du courant soufi du Khorassan se propage beaucoup plus facilement dans le pays que la littérature savante ottomane.

Vers le XVI siècle apparaissent des poètes-chanteurs s'accompagnant sur un instrument d'origine asiatique, le saz. Ils interprètent les poèmes de leurs illustres prédécesseurs mais aussi des compositions originales marquées également par le shiisme et la contestation contre les injustices du temps. Ces aèdes prennent le nom de asik "amoureux", "passionné". Cette passion, entendue ici dans son sens mystique de relation au divin leur vaut également le titre de hak-asik "amoureux de la Vérité ". Au fil des générations et du fait de cette vie itinérante qui conduit les asik à parcourir sans cesse le pays, leur poésie perd peu à peu de son contenu religieux pour devenir une chronique descriptive, critique et engagée sur la vie quotidienne du peuple turc.

Au XVIII' siècle les asik sont attirés par les grandes villes de l'empire et leur poésie se modifie au contact de la société citadine et savante. Tout en se métamorphosant, l'art des asik élargit considérablement son audience et s'enracine dans d'autres populations de l'empire ; Grecs et Arméniens ont bientôt leurs ashuq qui composent et chantent aussi bien en turc que dans leur langue maternelle

A le fin de l'empire ottoman (1923), le désir de la jeune république turque de récréer une identité culturelle nationale trouve une réponse dans la poésie des asik, porteuse de révolte contre l'ancien pouvoir. Aujourd'hui, cette tradition se perpétue, bien qu'une récupération partielle tende à la transformer en un folklore destiné à soutenir les arguments politiques du pouvoir en place.

Les poètes les plus représentatifs de cette littérature Yunus Emre (XIII's.), Pir Sultan Abdal (XVI s.), Sefil Kemter (XVII.. s.), Noksani, Sâdik, Sefil Emrah (XVIII s.).

Kudsi Erguner (dans Chants d'Amour et de Sagesse d'Anatolie)

 

 

1 Le brassage culturel a celle epoque a ceci de remarquable qu'il transcende les différends politiques et autorise le shah d Iran a écrire en turc tandis que son farouche adversaire. le sultan ottoman Yavuz Sultan Selim compose de la poésie persane

2 Köröglu est également le héros d'une épopée célèbre, chantée dans toute l'Asie Centrale

 

 

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Avant que le Kâf et le Nûn ne se soient manifestés

Avant que le Kâf et le Nûn ne se soient manifestés

Nous étions déjà à l'origine de la Créature

Avant que les êtres ne se soient rencontrés

Nous nous trouvions dans le degré le plus bas des deux arcs.(1)

 

Lorsque Adam et Eve n'étaient pas encore sur le monde

Nous étions dans le Secret subtil de Dieu avec Dieu

Pendant une nuit nous fûmes les hôtes de Meryem :

aussi sommes-nous le vrai père de Jesus

 

Les enfants du Messie nous ont appelé "Père"

Moïse s'est écrié : "O Seigneur, manifeste-toi !"

Mais ce fûmes Nous qui lui dîmes : "Tu ne peux pas nous voir !"

Car c'est Nous, la Manifestation du Mont Sinaï (2)

 

Le mystère du Trésor Caché s'est révélé à nous

Nous avons connu avec certitude la Perfection Divine

O Hodja, le secret de la Divinité est en nous

car Nous sommes les derviches de Hadji Bektash

 

O Dévôt, la victoire de Dieu est en nous

ne crois pas que Harabî n'est qu'un pauvre ignorant

Nous sommes les parfaits parce que

Nous sommes les disciples de Pir Balim Sultan

Edip Harabi (1853-1917))

(1) Coran, LIII, 9
(2) Coran, VII, 143

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J'ai été jeté d'une lampe à une autre

Devenant la terre ( turab ), j'ai été disséminé sur la surface de la terre

Un temps j'étais le Vrai (1), je suis resté au coté du Vrai

Mon cœur s'est enflammé, je me suis consumé et je suis venu

 

Pendant la Pré-Eternité , Nous avons connu un Vrai

Depuis que le Vrai a donné parole, Nous L'avons désigné "le Vrai" (1)

Dans la communion des Quarante, Nous nous sommes lavés, ainsi devenus purs

Je ne veux pas des ablutions, je me suis lavé et je suis venu

 

O Shah Hatayi, l'ordre est à toi

Tu seras le remède à chaque serviteur de Dieu

Mon Beau Roi (2), à toi mille sacrifices de mon âme

Il ne veut pas du sacrifice, je l'ai sacrifiée et je suis venu

Shâh Isma'il Khatâ'i (1488-1524)

(1) Le Vrai : Hakk – Dieu
(2) Roi : Shah – Hz Imam Ali

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Dans le monde des Esprits, au Banquet de la Création

Dans le monde des Esprits, au Banquet de la Création

resplendit la Lumière de Muhammed - 'Ali

Celui qui se manifesta, en tuant les Mécréants

brandissant dans sa main Zü'l-Fiqar, ce fut 'Ali

 

Les Trois ont atteint l'Unité des Deux Mondes

Les Cinq ont tenu le pan de la robe

Les Sept ont gouté au breuvage de l'Unité

Ce sont eux les Maîtres à la robe très pure

 

Les Quatorze Innocents Très Purs et les Douze Imams,

Les Dix Sept Compagnons Initiés , et aussi les Quarante,

C'est pour eux que la Plume de l'Invisible

Traça la Ligne de l'Equateur

 

Et moi, Ilhami Abdal, je suis leur esclave à tous

Et le Seigneur Hajji Bektash est mon maître.

Ilhamî Abdal (XIX' siècle)

 

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Mon serment c'est "An-al-Haq"

Mon serment c'est "An-al-Haq" (1)

Ce serment, c'est le Vrai

Celui qui est Toute Beauté, est le Vrai

Hakk Muhammed Ali sont le Vrai

Hajji Bektash Wali est le Vrai

 

Connais les Dix-sept Evidences (2)

Connais les versets qui les révèlent

Connais les origines de ces versets

Hakk Muhammed Ali sont le Vrai

Hajji Bektash Wali est le Vrai

Perisan Baba (XIX' siècle)

(1) Je suis le Vrai (Dieu)
(2) Evidences (Muhkemat) : Les Bektashis reconnaissent Dix-sept Evidences révélées par les versets (ayat)

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Venu au monde pour le régénérer

Venu au monde pour le régénérer

J'eus en ce lieu de communion la vision de mon essence

Possédé par cette créature qu'est le Temps

Je compris que j'avais lapidé ma vie

 

Il est venu parmi nous, il a aimé

Nous nous sommes aimés

Nous avons échanger les coupes, j'ai bu ses paroles de fidélité

Et l'on sut plus tard que sa nature était vile

 

Accomplissons une oeuvre pour ton serviteur Noksani

Allons vers le seuil des Douze Imams

Que faire d'une nature corrompue?

Nous sûmes plus tard qu'Iblis ne veut rien apprendre

Noksani

 

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Ne te laisse pas piéger par les honneurs de ce monde

Ne te laisse pas piéger par les honneurs de ce monde

Toi non plus tu n'échapperas pas à ton destin

Ne te gonfle pas en te vantant d'être quelqu'un

Toi non plus tu n'échapperas pas à ton destin

 

Gardons la foi et la religion dit Yunus le derviche

Car Suleyman (1) lui-même a disparu avec son trône et sa couronne

Lokman (2) n'a pas su trouver de remède à son chagrin

Lui non plus n'a pu échapper à son destin

Yunus Emre

(1)Le roi Salomon (Suleyman) considéré dans l'islam comme le prophète auquel Dieu confia toutes les richesses de ce monde et la connaissance des animaux
(2)Médecin cité dans le Coran et qui peut être comparé à Hippocrate

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J'ai tenu un miroir devant mon visage

J'ai tenu un miroir devant mon visage :

Ali est apparu à mes yeux

Je me suis regardé moi-même :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

 

Dans Adam, notre père, et dans Eve,

Dans les noms et les attributs de Dieu,

Dans le tournoiement des sphères célestes :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

 

C'est lui - Noé qui fut sauvé par Dieu,

C'est lui - Ibrahim, l'Ami de Dieu,

C'est lui - la Parole de Dieu au Sinaï :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

 

C'est lui - Jesus qui fut sauvé par Dieu,

C'est lui - le Roi des Deux Mondes,

C'est lui - le refuge des croyants :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

 

Ali - c'est le Commencement, Ali - c'est la Fin,

Ali - c'est le Caché, Ali - c'est l'Apparent

Ali est le Beau, Ali est le Pur :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

 

Ali c'est l'Ame, Ali c'est le Bien-Aimé,

Ali c'est la religion, Ali c'est la foi,

Ali est le Clément, Ali est le Miséricordieux :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

 

Je suis Hilmî, un humble mendiant,

Mon oeil le voit, ma langue l'appelle,

Partout où je regarde :

Ali est apparu à mes yeux :

Hû mon Ali hû

Hû mon Roi hû...

Mehmet Ali Hilmî Dedebaba (1843-1907)

 

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Nous n'avons de haine pour personne,

Nous n'avons de haine pour personne,

L'étranger est aussi notre ami.

Là où il y a misère et désolation,

C'est là notre lieu d'habitat.

Notre nom est pauvreté ,

Notre ennemi, c'est la haine.

Nous n'avons de haine pour personne,

Tous les hommes sont nos égaux.

 

Notre patrie, c'est le Paradis

Notre Compagnon, c'est le Vrai (Dieu)

C'est vers lui que nous nous dirigeons

Les autres chemins nous sont étroits

Yunus Emre

 

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Si l'on t'interroge...

Si l'on t'interroge sur ta doctrine, ô dévot

Et que tu répondes : "ma doctrine est celle d'Abu Hanifa" (1)

Même si tu as un grain de foi

Je n'appelerai pas cela foi, mon cher

 

Malheur, malheur [Abu Hanifa] n'est pas un Imam

Par Dieu, il n'est pas le Grand Imam (Imam-i Azam (2))

Son imamat ne s'accorde pas avec l'Islam

Ne prête pas l'oreille à ses balivernes

 

Cet individu fut l'ennemi des descendants de notre saint Prophète

Harabi toi, rattache toi à Imam Ja'far (Sadeq)

et n'accepte aucune autre doctrine

Edip Harabi (1853-1917)

(1) Abu Hanifa : fondateur de la première école juridique sunnite, la plus répandue
(2) Imam-i Azam : titre que l'on attribue à Abu Hanifa

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Le manteau du blâme

Le manteau du blâme

Je m'en suis recouvert...

La bouteille de la honte et de la pudeur

Je l'ai lancée sur la roche. Qui cela regarde-t-il ?!

Haydar, Haydar

 

« C'est illicite » ont dit les dévots [religieux sunnites]

Au vin de mon amour

Je remplirais la coupe, je le boirais

Le pêché est le mien. Qui cela regarde-t-il ?!

Haydar, Haydar

 

Tantôt je monterais au ciel

Y contempler le monde

Tantôt je descendrais sur terre

Le monde me contemplant.

Haydar, Haydar

 

Les dévots [religieux sunnites] se prosternèrent

Vers le Mihrab du temple (mosquée)

Mon lieu de prière est le seuil du Bien Aimé

Je m'y prosternerais. Qui cela regarde-t-il ?!

Haydar, Haydar

 

Je le perds, je le cherche

Le Bien Aimé est le mien. Qui cela regarde-t-il ?!

Tantôt j'irais dans le jardin de mon âme

J'y cueillerais des roses. Qui cela regarde-t-il ?!

Haydar, Haydar

 

Tantôt j'irais à l'école religieuse

Y prendre des cours pour Hakk (Vérité)

Tantôt j'irais à la taverne

Y prendre un verre, pour Ashk (Amour)

Haydar, Haydar

 

A Nesimi, on a demandé

« Es-tu satisfait de ton Bien Aimé ? »

Que j'en sois satisfait ou non

Ce Bien Aimé est le mien, qui cela regarde-t-il ?

Haydar, Haydar

Kul Nesimi

 

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O Zahid, soit honorable au Vin

O Zahid (1) , soit honorable au Vin,

Cesse ces commérages, soit Musulman

Au gens il est licite ; aux non-gens, illicite

Nous consentons à boire ; à nous, il n'y a pas ce pêché

 

Pour faire œuvre pie, nous boirons du vin

Si nous ne buvons pas, nous serons mains liées, torturés

Ta raison ne peut atteindre cet autre mérite

Cette perfection, nous l'avons trouvé dans la Maison du Vin (2)

 

Pendant les nuits de Kandil (3) , nous serons lampe (à l'huile)

Et dans la lampe, la mèche

Pour resplendir Hakk , nous serons preuve de guidance

Les aveugles, quant à eux, ne la verront pas

 

Tu es un traître ( munkir ) : à toi, le vin est illicite

Attends alors, de boire dans l'au-delà

Harabi, ne divulgue pas davantage la parole profonde!

Car il ne distingue pas le licite de l'illicite.

Edip Harabi (19 ème siècle)

(1) Zahid : personne non mure
(2)  Maison de Dieu
(3) Kandil : lit. lampe à l'huile.
Les nuits de Kandil sont les nuits sacrées de Baraat (nuit de l'absolution), Mir'aj (nuit de l'Ascension du Prophète), Ragaib (1 er vendredi du mois de Rajab) et Mawlid (naissance du Prophète)

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En ce monde une lumière a jailli 

En ce monde une lumière a jailli (bis)

Dans la nuit où est né Muhammed

Une lumière est descendue de la Lampe céleste verte

Dans la nuit où est né Muhammed

 

L'Ami est Ali, le maître est Ali

Les hommes de Dieu ont revêtu leur pelisse

Je ne veux pas de vêtement de soie

Le froc et la pelisse me suffisent, Ô Muhammed, ô Ali

 

Muhammed est sorti du sein de sa mère

Les mécréants en perdirent la raison

Mille églises s'écroulèrent

Dans la nuit où naquit Muhammed

 

Les houris du paradis descendirent

Elles interrogèrent Muhammed sur sa foi

Elles l'enveloppèrent dans des langes de lumière

 Dans la nuit où naquit Muhammed

 

Tous les anges se tenaient prêts

Ils chantaient les louanges de Muhammed

Les portes du paradis s'ouvrirent

La nuit où naquit Muhammed

 

Je suis Shâh Khatâ'i, dites-le aux derviches

Les larmes coulent de mes yeux

Je fais couler des larmes de leurs yeux

Les arbres se sont inclinés en prosternation

La nuit où naquit Muhammed

Shâh Khatâ'i (1488-1524)

 

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Le Roi des hommes est entré en extase et a révélé son secret

 

Le Roi des hommes est entré en extase et a révélé son secret

«C'est Moi qui fais tomber la pluie» a-t-il dit à Omar

A ce moment la foudre se mit à étinceler et le ciel à tonner

C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !

 

Omar se rendit auprès de Muhammed et lui demanda

«Est-ce Ali, ô Muhammed, qui tonne le plus haut dans le ciel ?

«La roue céleste est dans Sa Main c'est Lui qui révèle le mystère de la Sagesse.» dit Muhammed

C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !

 

Hak Muhammed dit: «Ali est le Seul et l'Etre Unique

Il est l'Alpha et l'Oméga, Il règne sur tout

Ceux qui associent Ali sont des mécréants.»

C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !

 

En disant "Soit" (Kun) , Il a créé les Dix-huit mille mondes

Il est la plume qui écrit et change la Tablette Gardée

Il est le remède à toutes les peines, et panse toutes les blessures

C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !

 

«Ma chair est sa Chair» a-t-il dit, «mon corps est Ali, mon sang est son Sang»

«Ali est Mon Visage» a dit [Dieu] le Majestueux

Son décret est éternel,  II est la Parole de Justice, il n'y a pas d'autre Dieu que Lui

C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !

 

Je suis Ali le misérable, mon intelligence n'atteint pas la sagesse de Ali

Seul le joaillier peut évaluer le prix des joyaux et des rubis

L'Aimé est apparu à l'amoureux, il en a perdu la raison

C'est Lui l'Échanson, c'est Lui l'Éternel, c'est Lui ma Lumière de Miséricorde, Ali !

Sefil Ali

 

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Le banquet des Quarante

Je suis parvenu au seuil des Quarante

J'ai contemplé la coupole du paradis

Je me suis prosterné en adoration devant la Vérité

Dieu est le commencement, Dieu est la fin

 

Que Dieu m'en garde, je ne m'en détournerai pas

Je répète "Dieu, ô Dieu"

Ma foi, mon crédo, c'est Lui seul

J'ai bu la coupe de l'initiation de la main de mon maître

 

De lui j'ai appris les arcanes de la voie

Le pieux serviteur est en paix

Dieu est le commencement, Dieu est la fin...

 

Je suis Davud Sulari, âme parmi les âmes

 Notre seigneur est Mahmud Hayrani ,mon maître est Veys al-Qaràni

Dieu est le commencement, Dieu est la fin

Davud Sulari

Les Quarante : Membres de la hiérarchie cosmique, gardiens des secrets initiatiques
 Veys al-Qaràni Symbole du saint caché donnant l'initiation par voie invisible

 

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Figure de derviche comportant les trois lettres du nom de Ali,'ain, lam, ye

 

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La couronne sacrée de la liberté

La couronne sacrée de la liberté

Si tu es sage, il faut la mettre sur ta tête

Celui qui est rassasié, que connaît-il de la souffrance ?

Le coeur de celui qui est rassasié est comme la pierre

 

Si tu aimes le peuple

Témoigne de la compassion à l'opprimé

 Puisse se résoudre le mystère de cette énigme

Puisse cette nuit prendre fin

 

L'usurier qui pille le peuple
Que sa machoire soit frappée de fer
Mon fils si tu portes cette parole
Soit du coté des humbles

Les enfants des pauvres humains n'ont plus rien que de larmes dans leurs yeux

Dervish Kemal, de tout son être,

A vu Dieu avec ses yeux

Avec leurs saz et avec leurs chants

Les ashik doivent combattre

Dervish Kemal (XXème siècle)

 

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Si l'on coupait mon corps en morceaux

Si l'on coupait mon corps en morceaux

Ce serait encore trop peu pour l'amour de Hüseyin

Si je prêtais serment à Yezid

Que la malédiction soit sur moi !

 

Si Allah me disait: «Yezid (1) n'a aucun tort»

S'il me disait: «Je le veux ainsi»

Que la malédiction soit sur Lui

Si Yezid me faisait roi

 

S'il mettait l'humanité sous mon ordre

S'il me disait : «Le paradis est à toi»

Et si j'y entrais, que la malédiction soit sur moi !

 

Dieu est Un, Muhammed, Ali

L'Un est le Prophète, l'Autre est le Saint

 Si je ne suis pas fou à cause de l'amour de Hüseyin

Que la malédiction soit sur moi !

 

Feyzullah dit : «Dieu est Un»

Ceux qui disent qu'Il est Deux sont aveugles

La malédiction sur Yezid est un acte de lumière (2)

 Si cette lumière ne jaillit pas

Que la malédiction soit sur elle !

 

La malédiction sur le méchant est un acte de lumière

Si cette lumière ne jaillit pas

Que la malédiction soit sur elle !

Feyzullah Tchinar

(1)  Yezid : Le calife, fils de Muawiya, responsable de la mort de Hüseyin et dont le nom équivaut à celui de Judas
(2) Malédiction des ennemis de la Famille Sainte : tabarra

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Hz Imam Hüseyin

 

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Ne chante pas, rossignol, ne chante pas...

Ne chante pas, rossignol, ne chante pas, mon cœur n'est pas joyeux

Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes

La mèche de ma lampe s'est consumée et l'huile s'est épuisée

Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes

Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant

Ali, Ali, Ali, je vais brûlant

 

Je suis semblable aux torrents qui se sont mêlés à la mer

Je suis semblable aux roses ouvertes avant le temps

Je suis semblable aux cendres dont le feu s'est éteint

Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes

Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant

Ali, Ali, Ali, je vais brûlant

 

Tu entendras parler de moi parmi les héros

Tu panseras ma blessure parmi les martyrs
J'ai erré pendant quarante ans' parmi les cerfs de la montagne

Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes

Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant

 

Je suis Pir Sultan Abdal, le terme de ma vie est arrivé,

Sans manger et sans boire, l'eau de ma vie s'est tarie

J'ai été pendu pour avoir trop aimé Dieu

Ô Ami, je vais brûlant de la souffrance que tu me causes

Haydar, Haydar, Haydar, je vais brûlant

Ali, Ali, Ali, je vais brûlant.

Pir Sultan Abdal (XVIème siècle)

L'ashik compare son coeur à une lampe à huile au début
Le lion de Dieu est un des surnoms de Ali
 Pir Sultan Abdal fut pendu à l'âge de quarante ans à la suite d'une révolte à caractère religieux et social

***

Pir Sultan Abdal

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Ah ! Combien faibles sont nos soupirs !

Ah ! Combien faibles sont nos soupirs ! (bis)

Sacrifions notre vie à notre Roi'

Toi Müljem', toi le bâtard

Comment as-tu pu attenter à la vie de notre Roi ?

 

Cette douleur est un don de Dieu

Nous n'avons aucun droit de nous plaindre

Cette douleur vit dans nos coeurs

Nous n'avons d'autre Roi que Toi ! (bis)

 

Ce décret est venu de Dieu (bis)

Peut-on trouver remède à cette souffrance ?

Tu as rendu notre Hüseyin orphelin

Ô toi Yezid, ô toi Mervan !'

 

Cette douleur est un don de Dieu...

Ils ont tendu une embuscade sur Ton chemin

Ils T'ont tué pendant la prière

O Hasan mon Roi, O Hüseyin mon Roi'
Ils vous ont rendu orphelin

 

Cette douleur est un don de Dieu...

Anonyme

Roi: Ali, le "Roi des Braves ", Shâh-i Merdan
Muljem: l'assassin de Hz Ali
Yezid, Mervan: califes responsables de la mort de Hz. Hüseyin dont le nom équivaut à celui de Judas
Hasan : le fils de Hz Ali

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Les méfaits de ce cruel sanguinaire

Les méfaits de ce cruel sanguinaire

Me font pleurer comme un rossignol en détresse

Les pierres tombent sur ma tête comme la pluie

Une seule rose de l'Ami me tue, moi, moi, moi

Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi

Un seul frôlement de l'Ami me meurtrit

Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi

 

Dans ce jour de malheur j'ai distingué mes amis de mes ennemis

J'avais dix souffrances, maintenant j'en ai cinquante

Mon arrêt de mort a été prononcé

Ou il faudra qu'on me pende ou il faudra qu'on me tue, moi, moi, moi

Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi

Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi

 

Je suis Pir Sultan Abdal, mon âme ne peut s'échapper de mon corps

Si l'ordre ne vient de Dieu la pluie de la miséricorde ne se répandra pas

Les pierres que me jetteront ces mains ennemis ne me toucheront pas

C'est la rose de l'Ami qui me tuera

Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi

Ah ! moi, moi, moi, Ami, moi, moi, moi

Pir Sultan Abdal (XVIème siècle)

 

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Lui, ma Lumière, est la pleine lune parmi les Saints

Lui, ma Lumière' est la pleine lune parmi les Saints

Lui, ma Lumière, est la pleine lune parmi les Prophètes

La Révélation appartient à Ahmed-i Muhtar [Muhammed]

Zülfikar, Düldül, la victoire d'Hayber

Appartient à Janab-i Haydar Kerrar (Hazret Imam Ali)

 

Vois donc les hommes créés par le Créateur

Les uns ont chevauché des lions, utilisant des serpents comme cravache

Mais le pouvoir de faire marcher les murs

Appartient à notre Seigneur Haji Bektash le Saint

 

Comprendre les mystères de l'Initié

Déclarer «Je suis le Vrai» comme l'a dit Mansûr

Ecouter les conseils du Maître Parfait [Haji Bektash]

Tout ceci appartient à Harabi, lui qui est initié aux Mystères

Edip Harabi (fin du XIXème siècle)

Ali, le "Roi des braves", Shah-i merdan
Zülfikar, nom de l'épée de Ali
Düldül, nom du cheval de Ali
Hayber, une des victoires de Ali "
Haydar : lit. Lion [de Dieu], autre nom de Ali
D'après la tradition, Haji Bektash ordonna à des rochers de se déplacer
Les Bektashi ont une grande vénération pour Mansûr Hallâj, un mystique chiite qui mourut supplicié en 922

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Je suis né pour indiquer au monde le droit chemin

Je suis né pour indiquer au monde le droit chemin

C'est dans le Meydan que j'ai vu mon imperfection

Aux créatures du siècle, Ô Ami [Manifestation divine] que j'ai donné mon coeur

L'erreur engendrée par mon imparfaite connaissance je ne l'ai vue qu'après

 

II est venu vers nous, II est devenu notre Ami

II a pris et II a tendu la coupe", II l'a remplie et II l'a bue

II a dit: «Je suis votre compagnon fidèle,

Ô Ami», II a bu, II a prononcé le serment

Son coeur était mauvais, nous ne l'avons vu qu'après

 

 Ah ! les multiples visages de ce méchant!

Le sel n'a pas,

Ô Ami, guéri nos blessures

Les paroles de ce mécréant aux deux religions

Au fil du temps n'ont troublé les âmes qu'après

 

Je suis ton esclave Noksani, je veux te servir

Je vais rejoindre la voie des Douze Imams,

Ô Ami, je vais la rejoindre

Que puis-je faire de ce Müljem au coeur mauvais, que puis-je faire ?

Satan" ne peut devenir disciple, nous ne l'avons vu qu'après

L'impie ne peut entrer dans le droit chemin, nous ne l'avons vu qu'après

Ashik Noksani

 

Müljem : le nom d’assassin d’Ali est pris dans le sens de Judas

 

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II ne faut pas dresser un piège à l'amoureux

II ne faut pas dresser un piège à l'amoureux

S'il est parvenu au côté de l'Ami

II n'allume pas la chandelle du «Moi»

S'il est parvenu au côté de l'Ami

 

Peu importent pour nous l'Être et le Néant

Avec patience nous sommes entrés dans le droit chemin

Les amoureux rendent grâce pour le peu qui leur est donné

S'ils sont parvenus au côté de l'Ami

 

L'intelligence a été donnée à l'homme

L'intelligence a été donnée à Adam

Ceux qui l'ont reçue peuvent-ils rester dans l'ignorance ?

Ton esclave amoureux est certainement dans la voie juste

S'il est parvenu au côté de l'Ami

 

Semih Sergen est entré en extase

Ton esclave Sergen est entré en extase
Mon âme erre dans les nuées

II écrit ce que dicte la plume

Puisqu'il est arrivé au côté de l'Ami

Puisqu'il est arrivé au côté de l'Ami

Semih Sergen

 

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Venez, Ames, Unissons-nous

Venez, Ames, Unissons-nous

Brandissons l'épée contre les traîtres

Réclamons le droit du pauvre

Réclamons le droit de l'orphelin

Soyons confiants en Dieu le Très-Haut (bis)

 

Unissons nos coeurs

Soyons comme le torrent impétueux

Marchons, marchons

Réfugions-nous en Dieu le Très-haut (bis)

 

Si je suis Pir Sultan, je me suis insurgé

Que les traîtres soient confondus

Ce qui est prédit doit arriver (bis)

Soyons confiants en Dieu le Très-haut (bis)

Ce qui est prédit doit arriver (bis)

Soyons confiants en Dieu le Très-Haut.

Pir Sultan Abdal (XVIème siècle)

 

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Je suis allé dans la montagne...

Je suis allé dans la montagne et mon coeur est devenu joyeux

Ô montagne qui est la joie de mon coeur, salut!

Mes yeux ont pleuré et mes pleurs ont formé [un torrent bouillonnant

Torrents grisâtres qui coulez, salut!

 

 Ô Toi qui a voyagé sur l'aile de l'hirondelle

Salue de ma part les narcisses et les violettes

Salue de ma part le Sultan", les Cinq Rochers"

Aux héros qui sont morts ensevelis là-bas, salut!

 

Mon Maître habite Kara Ôyük

II a fait venir d'Akpinar un couple de canards

II a fait venir du Khorassan la branche de bois brûlé (*)

A sa branche et à son tronc d'arbre, je dis «Salut !»

 

Je suis Ibrahim le misérable, ma langue s'est déliée

Je suis l'ashik qui veut aimer son Maître

Ce seuil où je prosterne mon visage nuit et jour

Abu Zemzem et Tchilehane, salut

Sefil Ibrahim

II s'agit d'un poème composé pour l'actuel village de Haji Bektash (ancien Kara Ôyük) où se trouve le sanctuaire du saint
L'auteur fait allusion à Haji Bektash venu, d'après la tradition, métamorphosé en colombe. II y a ici confusion entre la colombe et l'hirondelle
D'après la tradition, Haji Bektash ordonna à des rochers de se déplacer
Akpinar : Source miraculeuse
(*) Lorsque Haji Bektash fut envoyé au pays de Rum, il jeta en l'air une branche de mûrier qui prit feu et tomba à Kara Ôyük, où elle se transforma en mûrier
Zemzem : La source miraculeuse qui se trouve à Haji Bektash
Tchilehane : Cellule d'ascèse où le novice doit passer quarante jours avant de prononcer ses voeux

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La danse du coursier gris

Comme II t'a bien créé Dieu le Très-Haut

Que ta renommée se répande à travers le monde, ô mon ami

J'ai contemplé ta beauté, louange à Dieu !

Mon amour pour toi m'a rendu fou, ô ami

Coursier gris, coursier gris...

 

Ta crinière de jacinthes flotte sur ta croupe galbée

Je ne donnerai pas un seul de tes crins pour un million

Lorsque le vent du matin se lève, tu te changes

en une rose fraîchement éclose, ô ami

Coursier gris ...

 

Je suis devenu malade d'amour pour ta beauté

Je suis devenu un maître qui dénoue les difficultés

Même si le prix de la beauté était bradé, ton prix à toi serait hors de mes moyens

 

Je suis Hafiz Kamil, puisse mon Seigneur exaucer mon désir

Même si ceux qui ne connaissent pas la passion me considèrent avec mépris

Même si le bourreau me tranche le cou de son épée

Malgré tout, je continuerai à chanter Tes louanges, Mon aimé

Hafiz Kamil

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Je fus Shemsi Sultan

II fut un temps, je vins au monde en tant que brigand

J'égorgeai ceux qui quittaient la grand-route

Puis je plantai la branche de bois mort et je trouvai le salut

Je fus Shemsi Sultan le bandit des grands chemins

 

Je devins Kosh Hüseyin Abdal

Je fus coiffé du bonnet des derviches

On mit en ma main la hache [rituelle]

Les mots sacrés ne quittent plus ma langue

Le rang d'abdal je le reçus de Balim Sultan

 

Je fus Shemsi Sultan...

 

Ma famille vient de Denizle, mais notre lignée [spirituelle] remonte à Bektash le Saint
Notre place se trouve en troisième position Je fus Shemsi Sultan...

J'ai planté la branche morte, le pin a verdi, le verger a fleuri

Tout le monde en fut stupéfait

J'ai égorgé quatre-vingt dix-neuf personnes

Je m'apprêtais à tuer la centième

 

Je fus Shemsi Sultan...

 

Je suis Haydar Muhlisi, j'ai bu la coupe [initiatique]

Que ceux qui aiment Hüseyin suivent cette voie

Mon maître est le Seigneur Hadji Bektash le Saint

Je fus Shemsi Sultan...

Haydar Muhlisi

Hadji Bektash lui avait donné cette branche à planter en disant que lorsque par son ascèse ses fautes lui seront pardonnées, la branche fleurira

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Traduction des poèmes : Irène Mélikoff (avec la collaboration de Jean During), Kudsi Erguner...