Mise à jour le 24 aout 2004

 

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Juridiction Alevî : l'Ordre de la Déchéance

 

Chaque Alevî qui prête serment, Dede, Rehber et Mürshid compris, est dans l'obligation d'agir droitement, d'aider dans toute entreprise, responsable, et éviter/refuser tout préjudice. Parmi les Alevî, le litige, les règles d'éthique (ahlak) de regroupement et de croyance, sont réglés au sein du rituel de l'Interrogation-Juridiction ou tribunal, appelé Ordre de la Déchéance. Le coupable accusé d'un préjudice se dit « déchu de la Voie  », pendant une période limitée ou illimitée selon le degré de la faute.

Avant le commencement des Services et du Djem , le Mürshid-Dede s'adresse à la communauté ( jamaat ) :

O Ames ! Y a t il parmi vous, des personnes coupables d'offense, ayant pris un droit, blessé, affligé ? Dans notre Djem (rassemblement), il n'y a pas de place pour ceux qui brisent les cœurs, qui prennent le droit du Serviteur. S'il n'a pas pris le consentement des serviteurs de Dieu, il n'aura pas de consentement d'Allah. Qu'il se conforme aux prescriptions, qu'il réclame parmi nous des comptes, ou bien qu'il quitte ce lieu !

N'abritez pas, ne protégez pas, les coupables de mensonges, de vol, de corruption, de meurtre, qui salissent le droit, donnant un exemple malsain.

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(I) Les délits et ses degrés dans l'ordre de la Déchéance : (Bozkurt)

  1. Mentir, cacher, écouter à la porte, battre une personne innocente
  2. Voler, injurier son voisin, commérer ; rapporter, semer le trouble, corrompre
  3. Transgresser les terres, dégrader le bien d'un voisin volontairement, couper les arbres, plantations de son voisin volontairement
  4. Brûler la maison ou les récoltes de son voisin volontairement
  5. Donner une fille promise à un autre homme, commettre l'adultère, la sodomie (homosexualité, bisexualité etc.)
  6. Faire de l'usure (prendre des intérêts sur un prêt), jouer à des jeux de hasard, et par dela prendre les biens, l'argent d'autrui. Interdiction de prendre le droit du serviteur de Dieu (indigent, orphelin, qui travaille de son effort) et de profiter de l'effort de quiconque. Cette interdiction se réfère au verset de la violation du droit du serviteur de Dieu.
  7. Divorcer de sa femme 'mariée' (nikah), fuire avec une femme mariée (nikah)
  8. Déformer les versets du Kur'an, et corrompre sa lecture.
  9. Suivre son nafs et tuer volontairement un homme
  10. Violer une fille vierge, une femme mariée
  11. Commetre l'adultère (zina) avec les femmes de Musahib, Pir, Rehber
  12. Désavouer Allah, le Prophète et le Kur'an.

A ces délits respectifs, les sentences et peines ingligées :

  1. Le fautif doit se repentir (Tawba), étalager ; tenir sur un pied pendant un temps déterminé en portant de l'eau
  2. On lui accroche un objet lourd autour du cou, en appui sur le front avec un bâton pointu
  3. On lui brûle les mains avec un fer chaud
  4. Selon le degré de fautes, 12 ou 40 coups de baton.
  5. On appuie avec un fer brûlant sur les pieds. - On ne lui adresse plus la parole.
  6. On lui accroche un objet lourd au dos, on le fait marcher pied nu sur un chemin épineux, puis sur des cendres. - On ne lui adresse plus la parole.
  7. Exclu de la communauté. - On ne lui adresse plus la parole et on n'entretient plus de relations d'échanges ('commerciaux' ou autres...) avec lui
  8. On ne lui adresse plus la parole, le salut, on ne va pas chez lui avec le salut et on ne linvite pas
  9. Exclu de la communauté - on ne lui adresse plus la parole ; s'il meurt personne n'assiste à ses funérailles
  10. Excommunication : on le chasse du village ou du lieu d'habitation
  11. Excommunication : On le chasse du village ou du lieu d'habitation et à chaque fois qu'on le croise, on lui crache à la figure
  12. Excommunication :: On le chasse du village ou du lieu d'habitation. Il est considéré comme exclu de l'Islam et de l'Aleviyye. Il est sans religion, et considéré comme mécréant (kafir).

Pour les fautes xi. et xii. les peines de la Déchéance sont irrévocables. Pour les autres peines, après avoir accompli leur sanctions, ils sont repris dans le chemin (après une période déterminée), mais pour ne plus être considéré comme déchu un sacrifice (kurban) doit être accompli.

Les conditions les plus répandues de déchéance sont :

  1. Les mariages illicites selon le Kur'an
  2. Revenir sur son serment (ikrar)
  3. La fornication, l'adultère (zina)

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(II) Les interdictions : (Baha Said - Sûfiyân Süregi: Kizilbas Meydani'nda Düskünlük )

  1. Ta'addüd-i Zawjat (polygamie)
  2. Talâk (divorcer d'une femme mariée – nikâh )
  3. Zina (fornication, adultère)
  4. Sirkat (vol)
  5. Katl (meurtre)
  6. Mentir au dede et aux sages de l'assemblée
  7. Divulguer le secret (sir)
  8. Ne pas participer à la cérémonie de Purification et de Repentance des pêchés
  9. Ne pas payer le Droit du Pir et au Ocak (Hakkullah)
  10. Se déresponsabiliser des pêchers (günah) de son conjoint
  11. Montrer le chemin au Gens de la voie de Yezid (Ahl-i Sunna) c'est-à-dire se lier avec maritalement
  12. Refuser d'aider les Amis Sufî dans le besoin

 

1. Ta'addüd-i Zawjat, 2. Talâk, 3. Zina :

Un Kizilbash ou un Bektashi ne peut pas se marier avec une autre femme, si sa femme n'est pas décédée ou déchue. Chez les Bektashi, un homme et une femme ne peuvent prendre le consentement ( nasip ) d'un baba. Min gayri ilmin. Sans avertissement, si un homme et une femme prennent le consentement d'un baba, ils doivent se séparer, car ils sont désormais frère et soeur.

Un homme ou une femme, mariés, se mettant en couple respectivement avec une autre femme ou un homme ont “levé” leur mariage (nikâh). Le couple, l'homme et la femme en adultère (fornication) sont considérés comme “déchus”. S'il est nécessaire, ils doivent “disparaître”. Un mü'min en état de zina ou sur le point de se produire avec un gayr-i mümin (Ahl-i Sunna - sunnite) doit “disparaitre” aussi.

4. Sirkat, 5. Katl :

Le premier serment du mü'min dans l'assemblée ( meydan ) : être souverain de ses mains, de sa langue et de ses pulsions. Les deux grands pêchés, vol et meurtre, font partis des plus grandes infractions pour le Sûfi mü'min. . Mais il y a une grande différence entre tuer un Frère, et tuer un « Yezid ». « Le bien et le sang d'un Yezid est pour le mü'min licite. »

A un Katl-i Yezid, c'est-à-dire tuer un sunnite (Ahl-i Sunna), tous les mü'min doivent garder « ce secret ».

6 . Mentir au dede et aux sages de l'assemblée :

Tout mü'min qui a prêté serment devant l'assemblée, est dans l'obligation de dire la vérité. Les compagnons étant égaux pour les parts de nourriture et de travail, ne faisant qu'Un, n'ayant pas de mauvaises intentions, ne sont pas dans la contrainte de mentir. Si une mauvaise intention planifiée à l'encontre des membres mü'min, ou niant leur serment nait, l'existence de cette infraction doit être démontrée. Si elle l'est, “maudit soit l'hypocrite ( münkir )”.

Les initiés étant égaux pour les parts de travail et de nourriture, l'Ayin-ul Jam ne tolère pas le mensonge et l'hypocrisie. Le soupçon d'hypocrisie et de mensonge est puni au fer rouge par brûlure sur la langue. Il peut être réadmis dans le lieu de communion après la sentence et le “nouveau” serment.

7 . Divulguer le “secret” (sir)

Les prescriptions du dede, les piliers, et communions doivent être garder secret. Aux Kharadjites “donner sa vie mais pas le secret”.

Les règles de croyance et d'engagement s'interprètent par la dissimulation du secret et takiyya . Chaque Alevî et Chiite, par croyance et doctrine, doit nécessairement pratiquer la takiyya dans un environnement étranger/menaçant.

8 . Ne pas participer à la cérémonie de Purification et de Repentance des pêchés : remettre à jour son serment

Le nouveau consentant doit pendant les 3 premiers Muharrem renouveler son serment chaque année, ainsi renforçant sa foi “huzur-i hazirun” (par la présence dans l'assemblée). Après ces 4 années, il est considéré comme possesseur du consentement (rey, kanaat). Au quatrième sacrifice, il peut participer au semah ( pervaz ) et fait parti des eren.

Après ces 4 sacrifices (kurban), le talib doit renouveller son serment tous les 4 ans. S'il ne le renouvelle pas en temps, sa foi est considérée comme altérée ; tajdid-i îman (renouvellement de la foi). Les « Déchus » doivent comme les nouveau talib renouveler leur serment.

La première sentence de ne pas renouveler le serment est « marcher » c'est-à-dire quitter l'assembler. Si le talib demande le pardon il se prépare à nouveau au sacrifice.

Dans le Bektashisme, les piliers des 4 portes correspondent au 4 ans chez les Kizilbash.

9 . Ne pas payer le Droit du Pir et au Ocak (Hakkullah)

Chaque sûfi mümin doit payer chaque année 28 kurush. 12 sont au Pir Hakki (çelebi de Hajji Bektash) ; 12 au Rehber Hakki ( dede du village) ; et 4 au Gözcü Hakki (est prélevé pour le dede au nom de Alaca Degnek ou l'Erkân-i Evliya)

10 . Se déresponsabiliser des pêchers (günah) de son conjoint

Le/la conjoint(e) du talib est son garant. Dans le cas d'un talib, auteur d'une corruption volontaire, on peut considérer le garant comme complice. Une sentence est réservée à ces accusations.

Il se peut que le garant ne soit pas impliqué. Quant au « Frère du Pilier de l'Assemblée » est considéré comme impliqué. Une partie de la sentence peut lui être réservé. Pour ne pas consentir à cette sentence, il doit être responsable.

 

Les sentences dans l'assemblée de la Déchéance  :

  1. A celui qui commet un vol, on lui « brûle » les pieds et les mains avec un fer brulant.
  2. A celui qui tue un homme involontairement, on lui érafle les poignées et les bras avec un couteau tranchant
  3. A celui qui ment, on lui érafle la langue et les joues avec des tenailles tranchantes
  4. Au fornicateur, on lui frappe de fer rouge, les organes génitaux.
  5. A celui qui divulgue le secret, on lui bande les yeux et on frappe de fer rouge sa langue et on lui fait boire un liquide aigre, amer, acide…

Les peines ( djaza ) de la déchéance et les dédommagements ( tazminat ) :

  1. Le voleur doit payer/rendre le double de ce qu'il a volé et est déchu pour 3 mois
  2. Le meurtrier est déchu pour 3 ans et après il peut reprendre son droit. Mais avant cela, il doit être mazhar-i djamâl (lit. Manifestation du Visage de Bonté) puis il doit payer le « prix du sang ». Le déchu doit vivre pendant 3 ans à l'extérieur du village.
  3. Le menteur est déchu 101 jours. Au mensonge on peut ajouter le commérage ( giybat ), les insultes ( iftira ) ou persécutions.
  4. L'homme en état de zina (fornication) est déchu 1 an et 1 jour. Il est dans l'obligation de se marier avec la femme avec qui il était en état de zina , ou s'il est marié de se faire pardonner par sa femme pour que la punition se lève.
  5. Celui qui divulgue le secret, après avoir renouveler son serment pendant 4 ans, peut assister à la communion des Amis (awliya sohbat )

Ces sanctions dans l'ordre de la Déchéance ne sont pas figées et peuvent être adaptées par les mürshid, selon les circonstances et peuvent s'appliquer différemment selon les régions. Les sévices/sentences physiques sont appliqués dans les cas extrêmes et sont surtout un moyen de dissuasion.

Après la correction de son nafs, après avoir apporter son consentement ( kanaat ), lors de l'assemblée de la Vertu ( muruwwat ), la situation est discutée devant la communauté ( jamaat ), s'acquittant, et la communauté accepte son consentement. Le menteur, l'escroc, l'avare, l'offensant sont sanctionnées et la décision du mürshid est adaptée selon les circonstances. Le coupable sollicite le consentement de l'assemblée, fait un sacrifice ( kurban ), dédommage et «  prend le cœur  » à qui il a porté préjudices.

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